Des scientifiques biopirates entre le Nord et le Sud


Phyllomedusa bicolor

Avons-nous conscience dans notre Nord confortable et douillet où les laboratoires rivalisent d’ingéniosité pour soigner nos moindres bobos que nous sommes complices, sans le savoir, de pratiques indignes de piratage des savoirs autochtones des populations tropicales ?

L’anthropologue brésilienne Manuela Carneiro da Cunha, titulaire de la chaire annuelle (2011-2011) « Savoirs contre pauvreté » au Collège de France, à Paris, raconte dans Sciences & Avenir (décembre 2012) comment il est difficile de mettre en place des partenariats avec les populations autochtones afin de reconnaître leurs apports à la « modernité » actuelle.

 Les six cents Indiens Katukina du Brésil (Etat de l’Acre, à l’ouest de l’Amazonie) demandent en 2003 l’intervention de la ministre de l’Environnement, Marina Silva, « pour être protégés d’un cas de piratage ». Les Indiens chassent alors un amphibien arboricole (Phyllomedusa bicolor) dont les sécrétions sont utilisées en applications cutanées pour supprimer des sensations de faim et de fatigue tout en accroissant l’acuité visuelle. Cette grenouille qu’on appelle le kampo a été décrite par le missionnaire Constantin Tastevin dans les années 1920.

Ce sont des groupes New Age qui diffusent dans les villes brésiliennes les « jus de grenouille verte » (ou sapoverde) sans l’accord  des Katukina.

Le gouvernement brésilien tente une médiation et la mise en place d’une « chaine de production industrielle reconnaissant l’apport des connaissances autochtones et aboutissant à une répartition équitable des bénéfices », explique Manuela Carneiro da Cunha. Mais c’est l’échec malgré toutes les précautions et les efforts de l’administration brésilienne. « Les scientifiques refusent de reconnaître aux Indiens leur apport intellectuel. »  Il y a là un cas de mépris à dénier aux Indiens le savoir produit avant que la science ne s’en empare.

Pourtant Manuela Carneiro da Cunha ne désarme pas. Elle rappelle que les Australiens sont parvenus à partager avec les Aborigènes du Territoire du Nord des techniques très efficaces de confinement des incendies. Raison de plus pour espérer une collaboration entre les chercheurs et les organisations aborigènes, qui a été encouragée par l’université des Nations unies qui siège à Tokyo. Ce savoir sur les incendies va être partagé avec d’autres pays comme la Tanzanie, le Kenya, le Brésil, la Bolivie, l’Equateur, le Venezuela.

 

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