Le Sahel, des confins dans la guerre


Le Sahel. Cinq petites lettres d’origine arabe au son chantant du désert et des Touaregs. Mais comme Haïti, cinq lettres qui rappellent toujours ces confins (sahel veut dire « rivage », « bordure ») à une forme de calamité politique et de malchance géographique. Douze États se partagent cette bande subsaharienne entrée récemment dans le « grand jeu » africain. Soixante millions d’être humains dans une zone en convulsion depuis la chute du gouvernement malien en mars 2012 et l’activation de groupes belligènes touaregs autour d’Al Qaida.

Pour Frédéric Deycard, auteur du dossier consacré au Sahel par Questions internationales, cette entrée géopolitique dans l’histoire récente tient, depuis le début des années 2000, à l’émigration de 1,5 million de Sahéliens dans les pays de l’OCDE, aux trafics de cigarettes, drogues et clandestins et, enfin, au repli des terroristes d’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique) depuis l’Algérie. La guerre en Libye en 2011 a eu aussi des effets collatéraux chez les Touaregs qui ont renversé le pouvoir à Bamako, capitale du Mali. Enfin, Deycard ajoute la course aux ressources convoitées par la Malaisie, les pays du Golfe, le Canada et la Chine de plus en plus présente.

AQMI au Sahel, c’est une zone touarègue, peuplée depuis le XIe siècle par des tribus berbères nomades venant du Sahara central. Sa connaissance intime du désert est nécessaire aux membres d’AQMI jihadistes. Pour eux, le djihad, « sixième pilier de l’Islam » est absolu et doit être étendu par les armes, comme Mahomet l’a fait au VIIe siècle. Se sentant méprisés dans les pays du Sahel gouvernés par des Noirs, les Touaregs n’ont jamais pu bâtir une nation et tiennent en infériorité les descendants des esclaves. Selon Patrice Gourdin (IEP Aix), l’intangibilité des frontières adoptée en 1964 par l’OUA  a encore marginalisé ces razzieurs.

Pour la plupart des chercheurs, le Sahel est une zone balkanisée où les identités religieuses, ethniques et tribales selon Pauline Poupart (CERI) compliquent le conflit. Gérard-François Dumont (Paris-IV) pointe le rôle négatif de la jeunesse migrante vers l’Europe dans la mesure où elle fait défaut pour moderniser les États. L’économie de rente cotonnière et l’industrie extractive (l’or représente les trois quarts des recettes d’exportation du Mali) n’apportent aucune sécurité dans la zone, au contraire. Lucile Maertens (CERI) pointe les effets positifs… du fractionnement politique régional en matière environnementale car les programmes de coopération ont apporté quelquefois de beaux résultats et des plates-formes de dialogue.

Aux Nations-unies, le dossier Sahel est traité de manière intégrée. L’objectif est de renforcer l’intégration régionale pour combattre l’insécurité. Le Conseil des droits de l’Homme et le Programme alimentaire mondial jouent leur rôle pour pallier aux urgences et répondre notamment aux actes de terrorisme. Pour A. Novosseloff (Paris-II), s’il doit être décidé des actions à mener au Sahel, elles seront sans doute ciblées.

Souce : Courrier international

Pour en savoir plus :
dans ce numéro spécial de « Questions internationales » (9,60€), un article de Marc Lavergne sur le Soudan, dix-huit mois après la partition en deux États. Et aussi, des « documents de référence » qui sont des textes de R. Caillié et F. Demoulin (1828) sur les Touareg.
Autre document : l’étonnante lettre ouverte adressée au Général de Gaulle par 300 chefs locaux (30 mai 1958).

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