Les Indiens pour refaire le Monde


La mondialisation nous a fait entrer dans un nouvel âge de la Terre. Pour les rationalistes qu’on nous demande d’être en suivant les logiques libérales, il faudrait que toutes les populations entérinent une évolution vers un modèle formaté par l’Europe et les États-Unis. A moins d’y résister comme le font de nombreuses sociétés en Asie, au Moyen-Orient ou dans les pays en développement.

De fait, notre modèle de plus en plus souvent mis en cause doit-il modifier notre manière d’être géographe. L’anthropologue brésilienne Manuela Carneiro da Cunha, titulaire de la chaire annuelle (2011-2011) « Savoirs contre pauvreté » au Collège de France, à Paris, insiste : « Il est salutaire de se frotter à d’autres visions au monde ».

Elle ne croit pas si bien dire : une nouvelle génération de géographes s’y est mis. Xavier Arnauld de Sartre et Laurent Gagnol ont invité trois jeunes chercheurs à montrer comment certains peuples s’adaptent – plus ou moins bien – et revendiquent de nouvelles manières de se penser dans le monde actuel. Ce que les géographes appellent les « territorialités ».

Claire Cottereau décortique comment les Indiens guarani du Brésil s’organisent pour défendre leurs terres et adapter leurs manières de vivre. Ni plus ni moins une « géographie différenciée » sur des territoires à partager. De sa thèse, Bastien Sepulveda reprend les questions sur la manière dont les Indiens mapuche veulent tracer leurs territoires sur la trame du Chili établie lors de la colonisation espagnole. Enfin, Ioana Comat s’interroge sur la manière dont les Inuits canadiens se pensent en ville alors que le gouvernement fédéral avait surtout sacralisé des réserves rurales.

On ne résume ce numéro passionnant de Géographie et cultures, qui évite le jargon scientifique et nous pose – sans le dire explicitement – la question radicale de refonder une géographie qui ne soit pas le bulldozer d’une modernité politique aveugle et idiote.

 

Géographie et cultures, n° 81, « Les échelles des territorialités », L’Harmattan, 2012.

Au sommaire, en plus des auteurs cités :
–        Julien Reboitier, sur une approche territoriale des risques
–        Bénédicte Michalon, sur les centres de rétention pour étrangers en Roumanie
–        Laurent Gagnol et Olivier Soubeyran, sur l’adaptation climatique au Sahel


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