Avenue Elisée Reclus (Paris), une obscénité financière


Pour tous ceux qui ont la nostalgie de cet affreux jeu capitaliste qu’est le Monopoly, il nous faut fêter la douce dégringolade  des prix de l’immobilier s’amorçant sur le toboggan de la crise. Dans la capitale, la deuxième rue la plus chère après la charmante place de Furstemberg est l’avenue Elisée Reclus. Aux citoyens qui ignorent tout de ce géographe génial qu’est Reclus (1830-1905), on rappelle qu’il fut un vigoureux anarchiste qui a sacrifié une belle carrière pour ses idées lui valant le bannissement politique et académique. Pour écrire ses 19 volumes de la Nouvelle Géographie universelle, tracassé par des casse-globe pontifiant du haut des chaires sorbonnardes, adulé par des millions de lecteurs et entré dans la postérité grâce au coup de trompette qu’Yves Lacoste donna pour le réveiller au milieu des années 1970.

On ne sait ce qu’il aurait pensé de cette postérité immobilière de 230 mètres de long, acquise dans le quartier du Gros Caillou lui qui était si peu porté sur la géomorphologie, à peine deux ans après sa mort. Sans doute eût-il préféré être plus près de ceux qu’il défendait, c’est-à-dire loin de ce centre politique qu’il haïssait et le lui rendait bien. Mais dans ce Monopoly parisien d’aujourd’hui, un peu de géographe sinon de géographie n’est pas moins méritant que la lâcheté de l’institution vis-à-vis des travaux universitaires du grand Reclus.

L’occasion de rappeler que les prix ahurissants de Paris-centre s’échelonnent dans un rapport de 1 à 4, qu’aucun critère aussi déterminant ne saurait établir de hiérarchie, le bruit et la fureur des avenues de Paris ne décourageant pas les étrangers, les fuyards des cambrousses françaises, les jeunes en mal de co-présence chère à Jacques Lévy ou les vieilles personnes accrochées à leurs biens comme des moules à leur rocher. Les Cafés géo tenant salon dans l’élégant Café de Flore depuis 2001 en savent quelque chose : le prix du café et du demi de bière est inversement proportionnel au bruit qui règne sur cette autoroute urbaine germanopratine.

Elisée, réveille-toi et proteste contre ce coup du mauvais sort !

Les 10 rues les plus chères de Paris fin 2012

  • 1- Rue de Furstemberg (6ème) : 21 812€
  • 2 – Avenue Elisée Reclus (7ème) : 20 733€
  • 3 – Rue Guynemer (6ème) : 19 621€
  • 4 – Place Dauphine (4ème) : 19 035€
  • 5 – Avenue Montaigne (8ème) : 17 925€
  • 6 – Avenue Frédéric Le Play (7ème) : 17 554€
  • 7 – Place des Vosges (4ème) : 17 372€
  • 8 – Avenue Emile Deschanel (7ème) : 17 004€
  • 9 – Place du Panthéon (5ème) : 16 688€
  • 10 – Rue de Tournon (6ème) : 16 383€

Les 10 rues les moins chères de Paris fin 2012

  • 1 – Rue de la Grenade (19ème) : 4 712€
  • 2 – Boulevard Mortier (20ème) :4 943€
  • 3 – Rue de la Marseillaise (19ème) :4 979€
  • 4 – Rue Janssen (19ème) : 5 123€
  • 5 – Rue des Fougères (20ème) : 5 157€
  • 6 – Rue d’Alsace-Lorraine (19ème) : 5 261€
  • 7 – Allée Diane de Poitiers (19ème) : 5 277€
  • 8 – Rue de Guébriant (20ème) : 5 310€
  • 9 – Impasse des Anglais (19ème) : 5 388€
  • 10 – Rue Dénoyez (20ème) : 5 441€

Encore un petit peu de géographie à l’échelle européenne : depuis le début de la crise, le marché de l’immobilier a baissé quasiment dans tous les pays occidentaux, mais pas en France. Par rapport à leurs niveaux de la fin 2007, les prix actuels s’inscrivent en baisse de 21 % aux États-Unis, 11 % au Royaume-Uni et en Italie, 14 % aux Pays-Bas, 24 % en Espagne, 49 % en Irlande. En France, ils sont plus élevés de 2,7 %. À Paris, ils sont plus hauts de 30 %. (Source : P.-A. Delhommais, Le Point)


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