L’eau, ce liquide si impur…. (Alfred Jarry)


Rappelons-nous : enfants, nous avons suivi ces lignes avec le doigt, essayant de comprendre « jusqu’où ça allait »… Ces lignes, c’étaient des fleuves qui traçaient sur la carte nos premiers repères territoriaux. Certaines générations ont appris des listes de fleuves et affluents qui tenaient lieu de « géographie ».  Et tout ça se termine cinquante ans plus tard, en croisière sur le Rhin, le Nil ou la Volga.

Belin qui édita jadis « Le tour de la France par deux enfants » de G. Bruno offre un retour sur cette géographie-là mais avec une auteure talentueuse, Elisabeth Dumont-Le Cornec, journaliste et historienne qui construit un livre qu’on aurait aimé faire. Elle assigne cinq fonctions aux fleuves : dessiner des paysages, abriter des légendes, nourrir les hommes, ouvrir des voies de passage, tracer des frontières.

Les cinquante fleuves qu’elle sélectionne sont racontés comme des découvertes. Leur histoire donne à voir des pratiques anciennes qui se marient avec des regards d’aujourd’hui. L’aventure est toujours sur la rive : ainsi, les conquistadores sur l’Orénoque désertant les bateaux lorsqu’ils approchent des villages Yanomani où ils risquent de mourir sous les flèches avant d’être passés tout bonnement à la casserole. L’histoire de la Tamise remonte à 100 000 ans lorsque la Manche n’était qu’un fleuve (Channel River) qui recueillait les émissaires venus de l’Est et…. la Tamise. Dont E. Dumont-Le Cornec raconte les crues autour de Westminster.

Pour ceux qui sont pressés par le temps de ne pas tout connaître du monde des fleuves, ce livre est un voyage qu’il faut se payer. Avant l’ultime plongeon….

Un plongeon que ans son Dictionnaire des eaux douces, Jacques Bethemont  se plaît à théoriser. Comme il aime la puissance des symboliques expliquant la divinisation de certains tels le Gange, le Vater Rhein, le Rhône « dieu conquis » dans la rhétorique de ses aménageurs. Un thème éternel et deux livres enivrant qui donneront raison à Alfred Jarry : « L’eau, ce liquide si impur qu’une goutte en suffit pour troubler l’absinthe » (Gestes et opinions du Dr Faustroll). Ce livre, un peu austère, est une merveille d’intelligence qui étincelle à chaque phrase, de sensibilité géographique. Ne vous inquiétez pas du mot « dictionnaire » en sous-titre, vous aurez entre les mains un être hybride qui rassemble tout ce que l’eau veut dire à des gens qui risquent d’en manquer  durant les prochaines décennies.

 

Elisabeth Dumont-Le-Cornec, Les fleuves mythiques, Belin, 2012
Jacques Bethemont, Les mots de l’eau. Dictionnaire des eaux douces, L’Harmattan, 2012


Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.