Villes nouvelles dans les sables


Masdar (Abu Dhabi), la ville qui ambitionne d’être la première ville écologique du monde (2020)

Les villes nouvelles sont une vieille idée. Depuis la reconstruction de Milet par Hippodamos à partir de 479 avant notre ère, et dans mille autres cas où des villes existantes se sont étendues par la construction de satellites et, enfin, lorsqu’un pouvoir créé une nouvelle capitale, c’est bien un défi lancé au futur. Les villes sont les filles de leur époque.

Chaque ville porte un imaginaire qu’une société va révéler  avec les atouts économiques dont elle dispose. Mais notre époque ne voit plus l’Europe rêver de villes parfaites comme ce fut le cas par le passé. Un rêve qui semble être passé en Asie et au Moyen-Orient.
Dans l’émirat d’Abu Dhabi, Masdar est la ville utopique en train de prendre forme et qu’on pourra parcourir en 2020. L’architecte Norman Foster est chargé de coordonner tous les rêves que la pire empreinte carbone d’Abu Dhabi oriente vers un projet ambitieux de « développement durable ». Parmi les réalisations les plus attendues, les voitures-bulles électriques sans chauffeur et les tournesols géants pour faire de l’ombre le jour et redistribuer la chaleur la nuit.
On pourrait se moquer d’un gadget coûteux et peu transposable s’il n’était pas, comme au début du XXe siècle, le prototype d’autres projets, à l’instar de ce que furent les villes nouvelles anglaises, françaises et scandinaves. Une ambition qui ne faisait que reprendre ce que d’autres sociétés avaient imaginé en leur temps : « nea polis » (pour « ville nouvelle ») qui devait donner Naples, en France toutes les bastides du Moyen Ages, les « villes neuves » de l’Amérique coloniale et tant d’autres villes. En Europe, lorsque l’industrie attire des ruraux qui s’entassent dans les bidonvilles, des pionniers comme Charles Fourier en France ou Robert Owen en Angleterre relisent l’Atlantide de Platon et l’Utopie de Thomas More pour changer l’idée de ville, non plus capitaliste mais coopérative et communautaire.

L’Anglais Ebenezer Howard, simple ouvrier du livre, va aller plus loin avec la cité-jardin de Letchworth, au nord de Londres, au tout début du XXe siècle où les règles sont un bâti peu dense, un plan circulaire et un zonage d’activités agricoles et industrielles à l’extérieur. Beaucoup de géographes partagent l’idée que cette vision très rationaliste sera dénaturée par la construction de grands ensembles, minés par des problèmes sociaux qui ne relèvent pas de l’urbanisme utopique.

D’autres cas célèbres de villes nouvelles sont nées d’Etats souhaitant des capitales : Brasilia au Brésil, Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, Islamabad au Pakistan, Naypyidaw au Myanmar (ex-Birmanie). Qu’on apporté ces villes nouvelles à l’urbanisme d’aujourd’hui ? L’idée qu’il faut du temps pour bâtir une ville, non pas les bâtiments ni les infrastructures mais une société locale qui sera à la base des services. Des services aux jeunes avant que la population vieillisse… En outre, les constructions n’attirent pas toujours les populations qui rechignent parfois à déménager. Ainsi, en Chine, certaines villes ont de nouveaux quartiers inhabités. Mieux, la Chine a construit Kilamba en Angola, une ville faite pour accueillir 500 000 habitants, qui est… vide car les Angolais sont trop pauvres pour y habiter.

L’utopie urbaine a de l’avenir.
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Le site Largeurs donne une typologie de quatre villes nouvelles :

La nouvelle capitale
Sur mandat du premier ministre indien, Le Corbusier et son équipe créent en 1951 Chandigarh comme nouvelle capitale du Pendjab. Le modèle rationnel avec plan quadrillé et sept types de voies de circulation apparaît comme froid et peu indien, mais permet aujourd’hui une grande fluidité du trafic. Une partie des projets d’embellissements du Corbusier (arbres, plans d’eau) n’ont jamais été accomplis.

La ville satellite
Son site exceptionnel sur une boucle de l’Oise et l’investissement de ses concepteurs font de Cergy-Pontoise (1971) la plus réussie des cinq villes nouvelles d’Ile de France. Construite en quartiers-îlots très étalés, elle bénéficie d’une dynamique urbaine grâce à son bassin d’emplois, ses universités réputées, son centre-ville surélevé ainsi que l’Axe majeur, la plus grande œuvre d’art public au monde.

La ville industrie
En 1931, Ernst May dessine sur mandat de Staline un plan linéaire avec des rangées d’habitations séparées des unités de production par une ceinture verte. Son objectif: abriter les ouvriers de Magnitogorsk, alors la plus grande usine sidérurgique du monde. Le plan n’est pas respecté et la ville est aujourd’hui un désastre écologique et sanitaire.

L’utopie sociale
Auroville (1968) est une ville d’initiative privée, internationale, œcuménique et non matérialiste située à côté de Pondichéry en Inde. En échange de leur travail de construction, les trop rares habitants (2’200 sur les 50’000 prévus) sont nourris en commun et leurs besoins en éducation et santé sont couverts par Auroville.


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