Attention à votre adresse : vous êtes bientôt cambriolés


Suis-je à la bonne adresse ? En tournant ma clé sur la porte, il me vient parfois cette idée que, dans la grande loterie des cambriolages, cette fois-ci, ce pourrait être mon tour… A force de voir s’allonger le nez de Manuel Valls quand il s’exprime de manière trop suspecte sur la délinquance au domicile (+11% de hausse sur un an, en moyenne française). N’ai-je pas croisé un plombier hier, bien équipé, qui grimpait l’escalier d’un air suspect ?

Pour une fois, je regarde les chiffres de l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) sur un échantillon de plus de 2 100 cambriolages considéré comme représentatif des atteintes de ce type ayant eu lieu de 2005 à 2009. Les effractions ont lieu surtout dans… les grandes villes. Vouaouh ! Par région, cela donne 4,1% de victimes dans leur résidence principale en Ile-de-France et 3,4% en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et un peu moins en Rhône-Alpes (3,1), où il y a pourtant plus de thune. On voit une progression dans les régions Centre et Bourgogne. Pour le criminologue Alain Bauer, la délinquance plutôt concentrée à l’Est de la France est entrain de migrer vers l’Ouest (4,9% en Haute-Normandie, soit plus qu’en Languedoc).

Qui sont les cambrioleurs ? Peu d’études scientifiques des déclarations des victimes. Valls lance des plans, des programmes « opérationnels » avec budgets « exceptionnels ». On sait juste que les Français sont majoritaires suivis des « ressortissants de l’Europe balkanique« . Peu de Suédois ou d’Écossais. En attendant que se réalisent les promesses de Valls, passez aux urnes !

Que sait-on des cambriolages ? On sait qu’ils progressent plus chez les particuliers que dans les lieux publics ou entreprises. Une bonne étude type sciences-pipeau les divise en trois catégories où la géographie n’est pas absente :

  • des larcins de proximité, avec des auteurs connus des victimes ;
  • des vols « professionnels » commis par des petits groupes ;
  • des effractions en réseaux organisés, qui seraient responsables jusqu’à 40% de l’ensemble des faits commis.

Et dans les campagnes ? Un peu sur certains axes routiers et autoroutiers. « L’hiver dernier, une dizaine de mairies, dont la mienne, toutes situées sur le trajet de l’A20, ont été visitées en une nuit, les unes après les autres », témoigne Vanik Berberian, maire de Gargilesse-Dampierre (Indre) (1).

Quel est le butin des malandrins ? Dans les villages, surtout des denrées alimentaires et, de plus en plus, du matériel agricole, revendu dans des filières de l’Est de l’Europe. En ville où le détroussage dure entre 3 et 7 minutes, c’est forcément plus léger : dans près de 40% des cas, ce sont des bijoux, suivis de matériel hifi, vidéo, d’argent liquide, de cartes bancaires (26%), de papiers d’identité et un peu de nourriture (prévoyez un peu de soda car les ados en emportent parfois)… La moyenne (qui ne veut rien dire) du préjudice, je la donne quand même : 6 400 euros dont une bonne part sont remboursés par les assurances. C’est sans doute pourquoi la police scientifique se déplace de plus en plus (sur 92% des sites cambriolés aujourd’hui) pour croiser des fichiers d’empreintes.

Des enquêtes réussies ? Dans le cas de la délinquance itinérante oui.  « Ces réseaux organisés sont extrêmement mobiles, il arrive même qu’ils soient impliqués dans des affaires à l’étranger », explique le colonel Jacques Diacono, de la direction générale de la gendarmerie nationale  (id.). En citant un groupe de Serbes et de Croates démantelé à Strasbourg en septembre 2011 et qui opérait dans différents départements de l’est de la France, franchissant même la frontière pour sévir outre-Rhin.S Si tout va bien, la totalité des départements seront équipés d’un outil sur les infractions, pour comparer les procédures des monte-en-l’air… Parfois, on va jusqu’à l’international

La prévention ? Elle est vivement souhaitée. Thierry Chicha a créé un réseau « Les Voisins vigilants » mettant en relation riverains et policiers. 18 000 adhérents avec un pic depuis septembre. Et notre inoxydable ministre de l’Intérieur incite à appeler le 17 en cas de comportement suspect (qui permet de signaler 90% des flagrants délits).

Un peu de comparatisme : au pays de Sherlock Holmes ?

­C’est un Français, Jean-Claude Lafontaine, fondateur d’Innaxys, qui est à l’origine de nouvelles voitures de police dans lesquelles un policier effectue, seul, ses rondes. S’il se balade dans une zone de forte densité de crocheteurs, à un horaire « rouge » par exemple, l’ordinateur fait ralentir la voiture pour décourager les gangsters ! On en doute un peu. En clair, cela signifie qu’avec moins d’argent et un peu plus de moyens, on peut déployer des policiers dans les bons endroits au bon moment.

Ce qui pourrait nous paraître pour un petit jeu est issu d’un travail universitaire en criminologie . Ken Pease, professeur à l’université de Loughborough, considéré comme une sommité en criminologie prétend ceci (id) :  « En analysant les données de la police, nous sommes parvenus à la conclusion que surveiller durant six semaines les 400 mètres autour d’une maison cambriolée permettait de réduire très fortement le nombre de cambriolages suivants ». De Los Angeles à Manchester, la méthode aurait fait baisser les cambriolages de 26% en un an. Vous avez bien lu : j’ai mis le résultat au conditionnel.

Dès l’année prochaine (id), Jean-Claude Lafontaine compte développer l’ordinateur embarqué dans les voitures de police pour qu’il applique directement les recherches de Ken Pease : « L’ordinateur enverra son conducteur dans la zone où il estime que le prochain cambriolage aura lieu. L’objectif est de ne plus réagir aux crimes, mais de les anticiper et donc de les empêcher. »

Elle est pas belle, la technique ? Vite, des moyens !

 

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Source : Dossier La Croix, 9 octobre 2013

 

 


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