La culture kanake au musée du quai Branly: la monnaie


Une monnaie et son étui

Notre époque est obsédée par la phynance, comme dirait Père Ubu. L’argent semble avoir valeur en soi, et les milliards qui circulent sans cesse sur l’ensemble de la planète donnent le vertige. Comme des flux invisibles, ces fonds créent une sorte de bruissement silencieux, que l’on sait présents mais que l’on arrive jamais vraiment à voir, sauf sur des écrans d’ordinateurs, une autre abstraction.

Quelle ironie quand on songe aux effets de ces flux sur l’économie mondiale. Or, dans la plupart des cas, cet argent reste purement virtuel. Ce peut être aussi de l’or, des diamants ou du blé, mais seulement de façon secondaire.

La monnaie fétichisée prend une valeur absolue, intrinsèque, alors que ce devrait être tout le contraire, surtout depuis que l’ensemble des cours des monnaies est flottant. Comme des planètes sorties de leur orbite, ces devises errent follement et peuvent enfler ou se ratatiner du jour au lendemain. Elles n’ont, en définitive, aucune valeur.
La monnaie, une fois de plus, est primitivement chargée d’une valeur toute symbolique, mais au sens fort, celle qu’un groupe veut bien lui donner pour faciliter les échanges. Valeur sociale aussi, puisque l’économie n’est qu’une expression de la vie sociale. Elle ne domine en aucun cas la société, comme on serait tenté de le croire à présent.

Cette monnaie kanak ne renvoie à aucun matériau prisé en Occident. Et pourtant elle jouait un rôle essentiel dans les échanges. Échanges à plusieurs niveaux, plusieurs degrés, qui renvoient aussi à une dimension invisible du social: les ancêtres, la filiation, le rattachement à une longue lignée humaine qui donne épaisseur et consistance aux échanges.

Nous avons soigneusement séparé le pratique du symbolique dans nos sociétés dites avancées et si sûres d’elles-mêmes. Mais les deux sont étroitement liés d’ordinaire. L’effort séculaire de rationalisation de nos sociétés a engendré bien des monstres: le golem Économie en fait partie, mais il nous a échappé. Qui l’arrêtera?

 

« La « tête » était la partie la plus précieuse de la monnaie ; en sparterie dans les anciennes pièces, elle représentait l’ancêtre et ne quittait pas le panier sacré dont la famille ne se séparait pas, on y suspendait les cordelettes de coquillages qui circulaient au cours des transactions commerciales et des contrats sociaux. Les plus appréciées étaient faites de minuscules perles noires.

Réduction de pirogue servant à contenir la monnaie. Une écorce noirâtre et fripée ayant la forme d’une petite pirogue est enveloppée dans un filet. Le filet qui épouse la forme de la pirogue est fait de rayures en poils de roussette et de fibres blondes. Des feuilles sèches enveloppent le filet et sont mises à l’intérieur de l’écorce. Elle sert a contenir la « tête » de monnaie placée dans le panier sacré. »
Fiche rédigée par les services du Musée de l’Homme, décembre 1952
Date de l’œuvre: milieu 20e siècle
Matériaux et techniques: Monnaie : Bois, coquilles, cordonnet : fibres végétales tressées et poils de roussette. Étui : Feuilles séchées, poils de roussette
Dimensions: Monnaie : 14,5 cm de haut. Étui : 23,5 x 6,5 x 4 cm, 44 g © musée du quai Branly, photo Claude Germain

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