Circuler et punir : la fin des prisons ?


L’écartèlement au temps du bon roi Henri IV

Vous étiez soulagés de voir les malfrats en tôle ? Alors, vous raisonniez comme au XIXe siècle, car la prison, c’est une idée assez récente. Au temps des rois Bourbons (ou Soleil), les peines étaient corporelles : supplices atroces, coups de fouet, mutilations, huile bouillante, galères, travaux forcés… Le châtiment est montré en spectacle et le corps du condamné porte la marque de l’infamie. « On frappe l’imagination des hommes pour retenir le bras des criminels », commente le philosophe Frédéric Gros (1). Alors qu’au XIXe siècle, l’enfermement est vu comme la solution : on « décorpore » pour lutter contre la barbarie, on prive le corps de liberté pour un retour sur soi en prison, en cellule (comme chez les moines). « Séparer et punir » écrit très justement le géographe Olivier Milhaud qui a consacré sa thèse aux prisons. Une période où la discipline (de fer) sévit à l’école, à l’hôpital, à la caserne, au séminaire.

La prison de Millbank, 1828

Aujourd’hui, nous voilà à l’époque des peines en milieu ouvert. « Des peines très modernes, car elles correspondent à nos sociétés de contrôle. » La sécurité aujourd’hui, pour Frédéric Gros, c’est la traçabilité. Rendue possible par l’électronique. Puisque le mouvement, c’est la richesse, on laisse les condamnés circuler dans le monde global, mais on les accompagne, on les évalue. On appelle cela la peine de probation.

Pour le magistrat Antoine Garapon (2), cette peine d’un type nouveau sera difficile à mettre en œuvre en France car elle est anglo-saxonne. On ne fait pas la morale au condamné, on l’aide à résoudre les obstacles à son insertion sociale (alcoolisme, violences familiales, chômage). Le juge supervise par les mesures de sûreté. « Pour un Français, cette conception de la peine est difficile à admettre : la République française est une communauté morale, la sanction doit impérativement avoir une dimension symbolique et rétributive » (id).

Circuler et punir : le « bracelet » électronique

Mais ce n’est pas tout : dans le monde anglo-saxon, il existe beaucoup d’institutions locales qui collaborent avec la justice, ce qu’on appelle la « community ». Alors qu’en France, la justice est régalienne et souveraine, il n’y a pas de dimension communautaire. Pour Antoine Garapon, c’est une peine « néolibérale, car reposant sur l’idée de la performance. » Puisque le condamné a ses ressources qu’il faut valoriser. Do it yourself ! Une « peine ambulatoire, permettant au condamné de rester en liberté« , qui calcule les risques de récidive, en usant du profilage des délinquants.

Une autre géographie de la peine est en marche. Suivons le match Taubira / Valls avec ce regard-là.

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(1) Dossier par Anne Chemin, Le Monde 9 novembre 2013

(2) A. Garapon, « C’est une sanction néolibérale » (id)

 Geographica a publié de Brice Gruet : Carceropolis

 


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