Contre le colonialisme alimentaire des Etats-Unis


Un avenir plutôt angoissant…

Les ingénieurs US sont-ils devenus fous ? Non seulement les Etatsuniens échouent à régler l’épidémie d’obésité causée par une industrie agroalimentaire dénoncée par l’ONU elle-même, mais si puissante qu’il est difficile de la déloger. Mais, en plus, ils se targuent d’« inventer» des aliments comme on invente des médicaments ou des voitures. Un certain Rob Rhinehart se vante d’avoir mis au point un « aliment », le Soylent. On met les guillemets tant cette manipulation est pitoyable, même si elle fait clairement allusion au film Soylent Green Soleil vert’ de Richard Fleischer, sorti en 1973). L’aliment en question a été imaginé à partir de ces pilules avalées par les humains dans le film, censées subvenir à nos besoins. Au diable les courses, la cuisine, les repas ! Rhinehart pense même que nous pouvons nous dispenser de pain, de fruits et légumes au détriment des glucides, lipides et protéines. Nos repas seront constitués de nutriments et vitamines comme en fabrique déjà l’industrie pharmaceutique dans les cas d’alimentation artificielle aux malades.

Un signe, tout de même. Rhinehart doit se poser des questions puisqu’il joue le cobaye dans sa cuisine. Pendant quelques mois, il a dilué une poudre blanche dans de l’eau. Il se vante d’être en bonne santé et pas affamé. A l‘esbroufe, il en rajoute sur le diagnostic des médecins et des nutritionnistes tel le Dr Pi-Sunyer : non seulement, le Soylent ne contient pas de toxine contrairement aux aliments industriels, mais tel quel, éco-conçu, il a vocation à nourrir la planète.

Il aurait bien tort de se démonter : des adeptes le suivent, répondent aux appels aux dons pendant la campagne  « Free your body » en salivant d’ici janvier 2014 qui verra la commercialisation de cet « aliment » avant son internationalisation. L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) ne peut pas en interdire l’arrivée en France au motif qu’il ne s’agit pas d’un médicament mais d’un aliment enrichi.

Voici cinquante ans que les sciences humaines et médicales œuvrent pour ne pas réduire un aliment à ses propriétés diététiques. Rien n’y fait. L’industrie est toujours libre de nous empoisonner. A charge pour les pouvoirs publics de réparer les dégâts s’ils le peuvent, comme le montre la récente affaire du Red bull où on feint de croire qu’une simple taxe réglera les dégâts qu’il cause. Les motifs invoqués par l’Anses citée par Libération (1) sont qu’il s’agit «d’une réponse aux attentes du consommateur recherchant le principe actif des aliments, comme c’est le cas au Japon. Mais ce qu’il souhaite n’est pas toujours bon pour lui».

On dira qu’après tout, nos parapharmarcies s’équipent de rayons de plus en plus étoffés de nutriments en pilule et que les régimes protéinés en forme de poudre se sont banalisés. Malgré leur dénonciation par l’Anses : «Ils ont démoli leurs comportements alimentaires, multiplié les frustrations. Ils ne savent plus ce qu’ils doivent manger, ont perdu leurs repères comme le rassasiement et la satiété.» Faudra-t-il recommencer la séquence avec le Soylent ? Combien de personnes âgées et d’enfants seront-ils victimes de ces diètes devant un Rhinehart se portant comme un charme ? Comment évolueront les dents, la santé des os ?

Quant aux plaisirs des sens, aux odeurs, aux madeleines de Proust qui enchantent nos repas, il vaut mieux leur dire adieu. On ne mangerait plus en famille ou entre amis parce qu’aux Etats-Unis, manger c’est du temps perdu. Rhinehart a beau dire qu’il pratique le restau deux fois par semaine, personne ne croit que cet apprenti sorcier sera empêché de développer son business en Europe.

Il serait temps que la France qui paie un ministre de l’agroalimentaire venu du pays des rillettes adapte ses lois contre un colonialisme alimentaire qui ne dit pas son nom.

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(1)   Voir l’article « Notre plat du jour : soleil vert en poudre » de Léa Lejeune, 10 novembre 2013


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