Les frontières de l’Europe passent-elles par l’Ukraine?


Ci-dessus: A Kiev (Ukraine), des milliers de manifestants pro-européens réclament dimanche 24 novembre 2013 que le gouvernement signe un accord avec l’Union européenne. (SERGEI SUPINSKY / AFP)

 

L’Ukraine est-elle en Europe? La Russie semble dire que non, en faisant pression sur son voisin par le biais, notamment de l’approvisionnement en gaz, ressource cruciale avec l’arrivée de l’hiver.

Les Ukrainiens semblent dire oui, en manifestant contre la reculade du pouvoir. Tout semblait bien parti, mais la réalité stratégique et économique a rattrapé l’ancienne République Socialiste Soviétique d’Urkaine qui avait fait très tôt sécession d’avec son encombrant voisin russe.

Une des nombreuses cartes satiriques de l’Europe du début du XXe siècle. L’Ukraine est absorbée par la Russie impériale d’alors…

Ukraïna signifie confins, et c’est bien la situation de l’Ukraine, mais confins de quoi? On sait bien que l’Europe est bien plus une construction politique et idéologique qu’un état de fait géographique. Et d’ailleurs, y-a-t-il seulement des états de fait en géographie? La tendance actuelle en sciences sociales est au constructivisme presque absolu: on tolère mal l’idée qu’il pourrait y avoir des entités stables, indépendantes de notre regard.

Le cas de l’Ukraine est exemplaire des problèmes posés par les découpages politiques, eux-mêmes redécoupés par les « aires culturelles ». La Russie quant à elle joue sa partie, elle tente de maintenir sous sa coupe un pays riche en ressources et partenaire commercial important, voire essentiel. Les motivations russes sont économiques et stratégiques, celles des Ukrainiens plus politiques, voire symboliques: l’Union européenne, malgré tous ses défauts, représente une forme de libéralisme politique qui fait encore défaut à l’est, malgré tous les changements advenus depuis 1989.

Là aussi l’histoire est coriace: les habitudes de gouvernance autoritaires se perpétuent sous des dehors plus démocratiques en Russie et ailleurs.

L’Europe est censée s’arrêter quelque part vers les Monts Oural, en Russie, mais tout le monde sait que cette limite est plus qu’arbitraire. De Gaulle évoquait volontiers l’Europe de « l’Atlantique à l’Oural », et même si cette expression n’a jamais vraiment été » prononcée telle quelle, sa force démonstrative a bien fonctionné. La limite de l’Oural a été proposée par Vassilii Tatichtchtev, à l’époque de Pierre le Grand. Et elle ne cesse de faire débat depuis.

Les Ukrainiens réussiront-ils à s’émanciper de l’influence russe? La bataille est à la fois politique, stratégique, économique et… symbolique. Si l’Ukraine veut se rattacher à l’Union européenne, c’est un bloc important qui « passera à l’ouest ». L’époque du fameux glacis soviétique n’est pas encore si loin. La crise actuelle en est une certaine résurgence.


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