Angkor, une métropole khmère?


Les archéologues  sans doute réveillé Malraux dans sa tombe. L’ancien ministre-pilleur des temples d’Angkor semble en être resté à la surface des divinités et autres rois khmers qui avaient été engloutis par la forêt. Car aujourd’hui, on a la certitude qu’Angkor était une vaste métropole qui fut aménagée successivement depuis des temps bien plus anciens que le simple apogée des IXe-XIVe siècles.

Les sources épigraphiques font remonter aujourd’hui Angkor au début du VIIIe siècle avec le roi Jayavarman II. Un jeune prince rentré de Java (sans certitude sur la correspondance avec l’actuelle île indonésienne) parvient à unifier le Cambodge entre Thaïlande et Vietnam. Il établit son pouvoir sur plusieurs villes avant de s’installer pour mourir à Hariharâlaya, ville repérée dans la région de Roulos, à 15 km au sud d’Angkor.

Plan du site (source: http://www.angkorvat.com)

Au moment où Charlemagne est sacré empereur d’Occident à Rome, Jayavarma II est sacré « souveraine universel » en 802 sur le Mahendraparvata, qui n’est que l’actuel site de Phnom Kulen dominant Angkor au Nord. Autrement dit, le souverain créé la royauté angkorienne qui va migrer de capitales en capitales jusqu’à son abandon au XVe siècle, sans doute parce que les puissances voisines, les systèmes marchands, un « changement climatique » d’échelle courte qui fait varier les moussons.

La particularité urbanistique laissée par les monarques khmers était la conception de vastes ensembles dont les temples ne sont que les parties visibles. Les baray (réservoirs), les bassins, les canaux et les chaussées constituent un réseau plus ou moins emboîté dont la dernière capitale, Angkor Thom est le centre. La ville est bâtie au cœur d’un carré de trois kilomètres de côté dont le centre de gravité est le Bayon, superbe temple aux visages. Mieux, une autre équipe d’archéologues et scientifiques français (C. Pottier, P. Bâty, J.-B. Chevance et J. Estève) étendent la cartographie d’Angkor jusqu’à 1000 kilomètres carrés.

Angkor a été classée au patrimoine mondial en 1992 et plus fouillée que jamais, d’où une meilleure connaissance des villes anciennes comme Mahendraparvata (au nord d’Angkor) bâtie, semble-t-il, dès le VIIIe siècle sur ce château d’eau régional. D’où une découverte des açrama (ashram, monastères) qui étaient des lieux d’asile et de retraite spirituels. D’où les villages et leurs champs dans la probable dépendance vis-à-vis des villes angkoriennes. Ainsi, « la vie des Khmers s’organisait sous la forme de petites agglomérations assez rapprochées, centrées sur de petits temples et bordées de rizières. » (1)

Désormais, on sait qu’Angkor a été un site occupé bien avant l’hindouisation qui ne commence qu’au VIe siècle. Les tombes parlent et témoignent au coeur du baray d’une occupation datant de l’âge du bronze (près de 4000 ans). Pour les millions de touristes qui visitent Angkor, ce sont encore les questions qui domineront. Un certain mystère n’est jamais mauvais pour activer le tourisme…

Ci-dessus: Les visages bouddhistes du Bayon (Angkor)

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(1)    Pour la Science, janvier 2014


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