Afrique : les Européens sont-ils des crétins?


Ngozi Okonjo-Iwela, la Nigeriane, une « emmerdeuse » qui fait peur (p. 102)

Le Point n’y va pas par quatre chemins. Dans un Spécial Afrique qui nous change de l’immobilier et des francs-maçons, les journalistes Romain Guibert et Claire Meynal donnent des leçons : « Le décollage que les Européens ne veulent pas voir ». Les Européens, d’indécrottables crétins ? Et dans un élan de solidarité émouvant, ils nous assurent « qu’il n’y a jamais de fatalité ». Cette croyance, comme dirait Sarko, c’est du sérieux ! L’Ethiopie, c’est 7% de croissance, la Sierra Leone le double. Diable !

Le bémol ne tarde pas : « Bien sûr, confessent nos bons apôtres de l’optimisme, il y a la sanglante guerre en Centrafrique, l’infini cortège des réfugiés au Sud-Soudan... » et les sanglots longs des violons d’une Afrique noire « mal partie » ou non « entrée dans l’Histoire ». Mais c’est pour mieux, comme dans une copie de Sciences-Po, enchaîner sur « le nouvel eldorado de la planète ». Parce que « l’Afrique sidère le monde… Et que cette fois-ci, ce sont les Africains eux-mêmes qui donnent des leçons à la planète. » Car ici ou là, dans les clairières du Sahel ou de la forêt tropicale, « des petits génies du high tech » dont on ne sait de quelle pépinière ou pouponnière ils sortent, « inventent les produits de demain », « les nouvelles élites poussant dehors les politiciens traditionnels installés depuis longtemps ». On se demande si nous lisons l’AFP de la même manière…

Mais au Point, ils assurent qu’ils « ont changé de lunettes, reprogrammé le GPS », construit un site lepointafrique.fr qui raconte tout ce que vous ne savez pas de cette génération spontanée de la croissance économique africaine.

Cette naïveté, pour ne pas écrire cette bêtise crasse des rhéteurs de la presse magazine, se décline en reportages aux accroches édifiantes : « Naissance d’un tycoon », « Le grand réveil », « La dame de fer du Nigeria », « Magatte Wade, serial entrepreneuse », « Botswana, les fortunes de la vertu », « L’Afrique pourrait être l’usine du monde », « Nairobi, la nouvelle Silicon Valley », « Le futur Einstein africain », « Johannesbourg, cité arty »… Entendons-nous bien : pas question de nier que quelques personnalités hors du commun méritent les louanges du Point, que l’Afrique ait sa part au banquet mondial de l’abondance.

Mais lorsque des milliers d’Africains lancent des assauts désespérés au prix de leur vie à Gibraltar ou Lampedusa, a-t-on le droit d’écrire de cette manière ? Qui veut-on flatter ? Pourquoi Total achète-t-elle de la pub dans ce dossier ? Qui sont les dirigeants d’Eko Atlantic qui fait un communiqué surréaliste sur Lagos ? Pourquoi affubler d’une tête de lion de savane la pub sur Ushuaïa sur la même page que Planète Nollywood, titre ronflant pour une TV nigériane ? Sans oublier l’incontournable saltimbanque de l’Académie, Orsenna et sa Madame Bâ qui a forcément un avis sur le Mali…

Et dire que toute cette bouillie de chat va un jour migrer vers les manuels scolaires, beurk !

 


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