Alain Resnais, notre providence


Le premier film que j’ai vu d’Alain Resnais, j’étais alors étudiant, c’était Providence. Un film étrange qui s’appuyait sur les images que nous avons tous de la « providence » et sur la ville éponyme, capitale du micro-Etat de Rhode Island aux Etats-Unis. Mais aussi la ville natale de Lovecraft, auteur de littérature fantastique qui inspirait en partie le film.

Resnais montrait un vieil homme malade, auteur littéraire imaginant une histoire à partir de ce qui était arrivé à sa famille. Une manière de nous dire comment s’élabore la création. Mais la perle de ce film superbe, c’était la critique de la psychanalyse, la question de la mémoire, comment elle reconstruit et déforme les expériences vécues ou fantasmées. Je pense souvent à ce film lorsque je fais des enquêtes, d’où ma très grande méfiance dans l’analyse des réponses qu’on me donne…

Providence, c’est aussi ce qui a pu arriver à Alain Resnais ces jours-ci, à la veille de son décès. Ce requiem du vieil auteur malade qui ressasse et repasse ses idées noires transposées dans un récit imaginaire, c’est le dernier roman de sa vie avec ses proches, vivants ou décédés dont il décrit l’action, ses réflexions personnelles et sa peur cauchemardesque de mourir. Les personnages deviennent des marionnettes dans un décor qui change tout le temps. Le vieil homme se permet tout, sans doute pour se venger d’être exclu d’une société jeune qui lui échappe. Mais l’inconscient veille… et il surgit de partout !

Resnais s’intéressait aux représentations formelles de nos pensées. Donc aux images, au montage, au travail du cinéaste et aux limites du cinéma. Il en témoigne dans ce film gracieux, éblouissant, léger par sa musique, ses réflexions. La mélancolie de la visite finale au vieux est celle qui nous habite aujourd’hui, jour de deuil pour tous les cinéphiles.

 

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PS qui a un peu à voir : Ce film m’a fait connaître Providence aux Etats-Unis, la première ville anglaise, fondée au XVIIe siècle. Une ville au fond d’une baie où débarquent des Puritains en exil. Roger Williams, le chef qui avait obtenu un accord de la tribu amérindienne pour s’installer. La ville providentielle devint un refuge pour les Puritains persécutés, « the Divine City ».

 

 

 


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