Paris a sa banlieue chinoise


Nouvel An chinois à Aubervilliers (Seine-St-Denis)

Aubervilliers se souviendra sans doute du Nouvel An chinois en 2014, qui n’est pas passé inaperçu. D’immenses défilés de dragons or et rouge ont fait comprendre que les Chinois étaient sortis de leurs berceaux parisiens de Belleville et du quartier Italie. Les voici à Aubervilliers en passe de devenir la plus grande plate-forme d’importation de produits chinois en Europe (1).

Ici, c’est la Chine. On n’est plus dans la « plaine de France », jadis peuplée de Francs venus d’Outre-Rhin et dont la tribu allait donner son nom à notre pays. A Aubervilliers, un millier de grossistes sont installés et font travailler près de 5000 salariés, presque tous chinois. Les enseignes ne sont pas celles des centres-villes mais Miss Charm, Lucy & Co, Linda Fashion clignotant comme à Shanghai. On est là pas loin du canal Saint-Denis bordés d’entrepôts aujourd’hui requalifiés.

Les Chinois travaillent pour une importante clientèle musulmane aimant les bijoux, chaussures, lunettes, vêtements avec des fils d’or et toutes les clientèles étrangères de Paris, notamment l’indienne qui aime tant le doré. On vient de toute l’Europe et parfois des pays de la Méditerranée comme Israël où les boutiques de Tel Aviv revendent les produits entreposés ici. Mais aussi de France où beaucoup de patronnes de boutiques de bijoux ne tiennent pas à faire savoir qu’elles s’approvisionnent ici…

Aubervilliers, le Fashion Center

Aubervilliers a commencé à attirer les entrepreneurs, lassés des encombrements du Sentier à la fin des années 1970. Les Chinois sont arrivés quinze ans plus tard, au moment où le pays devient l’atelier du monde. Richard Beraha de l’EHESS (La Chine à Paris) a identifié la province du Wenzhou qui est celle d’où viennent les entrepreneurs d’Aubervilliers, une région pauvre et au bord de la misère. De la famille chinoise très soudée à l’entreprise capitalistique, il n’y a que quelques années de travail très organisé et efficace dont les mauvaises langues diront qu’il est piloté par la mafia. Certaines entreprises sont cotées et deviennent des conglomérats dans le transport, l’audiovisuel, les loisirs, tel Eurasia de Hsueh Sheng Wang.

Les enfants de cette génération, mieux éduqués, partis aux Etats-Unis, sont revenus avec leurs idées bien précises. Ils ne seront pas importateurs mais veulent créer leurs marques, comme celles qu’on voit à Saint-Germain-des-Prés.Le maire socialiste d’Aubervilliers, Jacques Salvator, se frotte les mains : sa commune, la deuxième la plus pauvre de France avec son taux de chômage de 25%, peut profiter de l’aubaine. Cours de mandarin, Institut Confucius, rien n’est trop beau pour cette commune qui compte 97 nationalités.

Mais les retombées sont encore minces, les jobs créés sont encore souvent occupés par des Chinois. Toutes les listes des municipales ont des candidats chinois. Sans cacher le fait que la réussite des Chinois énerve certains qui dénoncent des salles de jeux clandestines. Est-ce qu’il faut craindre le retour du communautarisme ? Les agressions sont si fréquentes que le quartier est équipé de centaines de caméras de surveillance. La mairie fait ce qu’elle peut, les Eglises aussi, mais le pari est encore loin d’être gagné.

 

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(1) Source : Béatrice Mathieu, « Aubervilliers. L’autre empire chinois de la confection », L’Expansion, maris 2014

 

 

 

 

 

 


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