ABCD: quatre compagnies pour dominer le commerce des céréales


Évolution des rendements du blé en France depuis le XIXe siècle. Source: ACCES, (ENS de Lyon)

Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus: voici les quatre compagnies qui dominent largement  le commerce mondial des céréales. A elles seules, un peu comme les Sept Sœurs pour le pétrole, elles font littéralement la pluie et le beau temps sur le commerce des céréales, même si, comme le fait remarquer la Chronique Agora dans un article de 2011 les fluctuations du marché permettent d’énormes spéculations mais aussi des pertes importantes. Dans tous les cas, ces quatre firmes ont un pouvoir géopolitique extrêmement fort. Mais quelles seraient les conséquences pour nous? La France étant un des plus grands exportateurs de céréales, c’est bien sûr la productivité, c’est à dire les rendements, qui priment. Dans le cas de la France, la hausse des rendements a été extraordinaire depuis l’après-guerre.

Le commerce mondial des céréales. Source: Financial Times

Comme dans bien des domaines, l’obsession de la hausse de la productivité a eu des conséquences très importantes sur notre mode de vie, notamment la consommation de céréales. Le blé actuel, sans être forcément transgénique, a été tant modifié que son matériel génétique a été profondément modifié, avec pour résultat d’engendrer des intolérances alimentaires aux conséquences sanitaires très lourdes, mais peu visibles encore. Une certaine omerta semble en effet peser sur ce problème: trouver des informations fiables sur le net à ce propos est très difficile, et les grands acteur du secteur (semenciers, promoteurs des céréales etc.), n’évoquent absolument pas le problème. A croire qu’un véritable complot serait à l’œuvre?

Une fois de plus, ce sont des conceptions de l’agriculture et du commerce qui s’opposent frontalement: d’un côté, une logique purement commerciale qui consiste à augmenter les ventes, donc les marges, indépendamment de la qualité. On vante toujours les « progrès continus » dans la modifications des espèces cultivées, comme sur le site du Groupement National Interprofessionnel des Semences et des Plants. De l’autre, le respect du vivant d’un bout à l’autre de la chaîne, c’est à dire la modération dans les opérations de transformation et le maintien d’un équilibre tant commercial que sanitaire.

Naïf? Mais allons-nous  tous nous rendre malades pour faire plaisir à la grande industrie de l’agro-alimentaire? S’ils tuent leurs clients, à qui vendront-ils?

Les plus grands exportateurs. Source: FAO

En fait, les blés ont été tant modifiés qu’ils ont cessé d’être digestes pour la plupart d’entre nous. Depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, les croisements ont été systématiques, au point que le nombre de chromosomes moyens des blés industriels est passé de 14 à 42! Comment dans ces conditions supposer que cela restera sans conséquences sanitaires? Mais ces informations se cachent dans des sites relativement confidentiels ou très techniques. Le site de l’Institut Dr. Schär, une marque de produits spécialisés, indique les caractéristiques de ces blés transformés. On peut légitimement les appeler des blés Frankenstein…

La diversité des blés a donc considérablement chuté, comme cet article de La Recherche de 2011 le note. Comme l’explique dans l’article du Monde de juin 2013 Jean-François Berthellot, « Pour moi, il y a un raté historique, estime l’agriculteur. Pendant des milliers d’années, les cultivateurs ont fait de la création variétale. Et au début du XXe siècle, ces savoirs et ces méthodes ont été accaparés par l’industrie semencière, qui n’ont pas les mêmes critères de sélection que nous : la productivité, la conservation dans les circuits longs de la grande distribution… Aujourd’hui encore, on fait tout pour déposséder le paysan de ce travail d’obtention de variétés. »   

Tout est dit. La logique commerciale pure et dure a enfermé le vivant dans un carcan législatif qui ne profite qu’aux industriels du secteurs. Le consommateur en fait finalement les frais. Avant la « révolution industrielle » de l’après-guerre, les blés régionaux en France avaient des caractéristiques propres, biologiques et gustatives. Aujourd’hui, cela a (presque) disparu. A nous de réagir face à une logique finalement mortifère. L’alimentation n’a jamais été aussi politique.

Ci-dessus: la moisson en France, une opération très technique. Source: http://journalcolboux.blogspot.fr

 

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