Agriculture en ville : des gratte-ciels agricoles?


Sans recul critique, on cite les fermes à étages, les potagers sur le toits, les serres, les jardins partagés qui seraient les nouvelles manières de se nourrir en ville. Mais les villes vont-elles suffire à produire ce qu’elles consomment ?

On envoie des journalistes à Romainville, dans la banlieue parisienne pour un premier coup de pioche destiné à faire édifier une ferme à étage. Tout ça pour collera avec les circuits courts, le développement du lien social, le consommer frais, les emplois. Mais à Romainville, l’exploitation qui va naître peut nourrir deux personnes… On est loin des systèmes agricoles urbains des pays du Sud comme Madagascar ou la Tanzanie.  « Les produits frais et périssables y proviennent majoritairement, voire exclusivement, de l’agriculture urbaine » selon Christine Aubry, dirigeant une équipe de chercheurs d’AgroParisTech interrogés par Les Echos (1).

Les toits d’immeubles sont utilisés dans les métropoles américaines, pratiquant une culture sous serre et hors sol sur laine de roche avec insectes antiravageurs. Mais il faut compter 1,5 million d’euros d’investissements pour 2 000 mètres carrés de terres (C. Aubry (1). Une idée reprise par Anne Hidalgo qui table sur les 340 hectares disponibles sur les toits de Paris, oubliant que tous ces toits ne sont pas accessibles ni conçus pour porter des sols, fussent-ils artificiels. Et où mettrait-on les panneaux solaires ? Les friches urbaines ou périurbaines semblent plus prometteuses.

Pour Dickson Despommier, de l’université Columbia à New York, prophète de l’« agriculture verticale », à laquelle il a consacré un livre (« Vertical Farm », 2010) et un blog (www.urbanag.ws) cité par Les Echos, « les gratte-ciel agricoles vont devenir indispensables sur une planète qui hébergera 10 milliards d’habitants en 2050, dont 80 % vivront dans des villes. »

Marion Guillou, la bouillonnante agronome, pense que les terrains agricoles ne manquent pas et que si les jardins et champs fournissent les légumes (1 milliard de tonnes), restent les céréales (2,5 milliards)… Mais les expérimentations ont le mérite d’exister. Comme Sky Green à Singapour, fournissant des légumes poussant dans des bacs rotatifs permettant d’économiser l’espace et l’eau, permettant d’espérer une auto-production locale à hauteur de 10% des besoins.

Lisons ce que pense le politologue Gilles Pinson et ses trois scénarios pour la France. « Si dans le premier, la « mercapole » n’envisage son approvisionnement qu’à l’échelle mondiale, les deux autres font largement appel à l’agriculture urbaine. Dans le scénario de l’« archipole », la croissance urbaine est très planifiée et les circuits courts, notamment alimentaires, sont favorisés pour réduire la dépendance alimentaire. Dans le troisième, très sombre, l’auteur envisage un désinvestissement et une paupérisation des villes, devenues des « antipoles », dans lesquelles les habitants recourent à l’autoproduction comme moyen de survie.« 

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(1) Les Echos, 2 juin 2014

En une: Singapour et Sky Green


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