Google fait son fromage en Suisse


Google à Zurich

Tremblez, vous qui venez à nous par Google ! Car nous voici ferrés sur le web comme les animaux de La Fontaine, par la firme californienne dont nous apprécions la gratuité et l’efficacité, l’inventivité et la practicité. Et pourtant, baissons la tête : Google se sert de la géographie pour tricher…

La triche dans les affaires, ce n’est pas nouveau. Les hommes riches que vénèrent bien de nos concitoyens en sont toujours aux limites. Comme les filous, ils se jouent des règles et des coutumes. Il faut savoir quel degré de brutalité peuvent atteindre les affaires pour comprendre ce qui se passe avec la douce Google. Car la firme de la Silicon Valley qui n’est pas une vallée de larmes a plus simplement pris la poudre d’escampette. Lorsque Bruxelles, sous les recommandations de Paris et Berlin, fait de Moscovici le petit télégraphiste des services fiscaux français, allemands et anglais  contre les pratiques de l’optimisation fiscale, Google a peur. Mais aussi Apple, Facebook et Amazon planqués dans le sandwich néerlandais (1), dans les vapeurs de whisky irlandais ou le millefeuille du Grand-Duché d’où est originaire… le président de la Commission de Bruxelles !

Une belle occasion pour Stéphane Richard, le pédégé d’Orange, de relever que 87% des impôts du numérique en France sont payés par les opérateurs de télécoms, alors que la bande des quatre Américains  n’en affiche que 1% au compteur… (2). On se demande à quel cynisme les étudiants américains sont formés pour être si retors lorsqu’ils deviennent capitaines d’industrie. Comment notre firme chouchou s’y prend-elle ? Elle achète 50 000 mètres carrés de bureau à Zurich où sera agrandi son centre de recherches. Car les 75 nationalités qui campent déjà au bord du lac vont être encore plus nombreuses à travailler sans qu’on en sache plus. Le journal suisse Le Temps, rompu à ces enquêtes, n’a pas pu en savoir plus. Mais ces 150 000 mètres carrés vont  faire de Zurich le plus gros centre de recherches hors États-Unis.

Voilà donc les Suisses devant abandonner le secret fiscal sous la pression amicale des États-Unis accueillant de riches entreprises… américaines, leur promettant une douceur fiscale qui n’a rien de climatique. En particulier, les redevances tirées des brevets qui sont quasiment inexistantes… Belle prouesse géofiscale !

Plus retors et déterminés contre Google, les Anglais portent le fer. Osborne, chancelier de l’Echiquier, a annoncé le 3 décembre 2014 : « J’institue une taxe de 25% sur les profits  que les multinationales réalisent ici, au Royaume-Uni et qu’elles transfèrent ensuite artificiellement hors du pays« . Le volatile préféré des Français commente en cancanant : « Une idée tellement simple que ni Paris, ni Berlin, ni Rome n’y avaient encore pensé« .

Quant aux Suisses, ils pourront faire disserter à nouveau Jean Ziegler sur ces pratiques d’un autre temps et qui rendraient la géographie détestable.

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(1) Pour reprendre une expression du Canard enchaîné du 17 décembre 2014, source de cet article.

(2) Le Point, 11 décembre 2014


2 réponses à “Google fait son fromage en Suisse”

  1. Bonjour Monsieur Gilles Fumey,
    Juste une petite réaction à chaud. (Global change oblige)
    Vendre le plus grand nombre de produits au plus bas prix.
    Enoncé depuis les débuts de l’ère industrielle, ce principe élémentaire est toujours d’actualité et restera à mon sens, une définition immuable de l’INDUSTRIE.
    La contre partie de ce procédé est que pour faire de « l’industrie », il faut certes des consommateurs, mais en premier lieu des Industriels.
    Or un industriel est une personne désireuse d’acquérir de la richesse en utilisant tous les moyens nécessaires : mains d’œuvre, robots technologie, marketing, relationnel, fiscalité…pour réaliser son projet personnel.
    Exception faite des industriels Français qui ont perdu le goût même de leurs ambition (ex : métallurgie, textile), il en est ainsi partout dans le monde et ce depuis tout temps. Les romains déjà, n’avaient-ils pas inventé le dumping pour agrandir leur marché du vin ou des céréales.
    Dans ce principe, seuls ceux qui vont satisfaire les besoins (naturels ou suggérés) des populations vont prospérés. Les autres disparaîtront nécessairement.
    Et tant qu’il sera vitale de posséder de l’argent pour vivre, l’équation argent = travail restera inchangée, et le travail sera nécessairement au service de ceux qui l’utiliseront à des fins personnelles.
    Sans pour autant versé dans l’adage : « tout est bien dans le meilleur des mondes », ce fonctionnement de civilisation n’est finalement en soi pas plus condamnable qu’un autre, même s’il s’appuie sur le principe du tout est permis pour arriver à ses fins.
    Ce qui fait cruellement défaut, c’est la pertinence de la régulation de l’ensemble. Au nom de quoi un procédé est-il condamnable. Pourquoi l’esclavage est-il prohibé ? Pourquoi les farines animales ne conviennent-elles pas aux herbivores ? Pourquoi ne pas utiliser les huiles de vidange des moteurs à la place de l’huile de palme tant décriée ?
    Tout est permis excepté ce qui est interdit, mais comment justifier l’interdit. La est la question.
    A ce stade, les notions de moralité et de bon sens n’ont pas leur place. Seul le rapport de force compte.
    Le contexte est bien alors une logique de guerre. Mais pour faire une guerre il faut des combattants. Mis appart quelques stratèges historiques qui auront sut recruter des soldats volontaires, mener des Hommes au combat à toujours été un acte autoritaire à caractère obligatoire. L’intérêt personnel du soldat n’existe pas. Le chef militaire qui saura conduire nos Googliens d’Ado sur le champ de bataille est visiblement loin d’exister.
    Mais alors, quoi de neuf ? Nous voilà donc ramenés au foyer de nos soucis, c’est à dire à la guerre économique, aux rapports de force industriels et aux intérêts liés à l’argent.
    La boucle étant bouclée, je pense sincèrement que le salut de l’humanité est tout de même quelque peu compromis, et décrire le mécanisme du pire, sauf à se satisfaire d’un coup de gueule, n’apporte aucune échappatoire à l’empire du milieu.
    La guerre de Troie n’aura pas lieu.
    Merci tout de même de nous donner l’opportunité de réfléchir.
    Bien cordialement
    Pierre Chabat

    • Juste une remarque : il y a des questions qui ne se posent plus aujourd’hui, pour certains interdits que vous évoquez comme l’esclavage. Si, la moralité a du sens : certains patrons d’entreprise partagent (en investissant beaucoup), refusent des salaires exorbitants (L. Gallois, par exemple). La guerre ne se mène pas partout de la même manière. Et les chefs religieux refusent souvent la guerre. C’est pour cela que le salut de l’humanité (pour utiliser les mêmes mots que vous) n’est pas compromis, au contraire Cordialement, GF

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