Disparition d’un Boeing : échec à la raison géographique


Digne d’un polar dramatique, l’histoire du Boeing 777 de la Malaysia Airlines reliant Kuala Lumpur à Pékin et qui disparaît le 8 mars 2014 avec 239 personnes à bord, est un casse-tête inouï. Car pour Florence de Changy « cette disparition entourée de rumeurs et de secrets ressemble à tout sauf à un crash » (1).

L’avion volatilisé entre les deux villes d’Asie laisse les familles dans la colère. Non pas tant qu’elles accusent les autorités de ne pas percer le mystère de cette disparition, mais parce que la Malaysia Airlines va de gaffe en gaffe, tentant d’annoncer récemment à la télévision que la disparition de l’avion était un « accident ». Jusqu’à ce qu’elle se ravise sachant que les familles allaient protester. En Chine qui compte 152 victimes dans cette affaire, les familles ne doivent pas parler aux médias étrangers mais sont invitées à porter plainte contre la Malaysia, avec l’aide d’avocats internationaux.

C’est donc maintenant que les questions sont données : pourquoi des informations concernant des tableaux de chiffres données aux médias par la Malaisie n’étaient pas complètes ? Même les plus doués ne savent pas faire parler ce qui manque dans les enquêtes d’Immarsat, qui devraient traiter  les ondes électromagnétiques. Les familles devraient accepter l’idée que les proches seraient morts « perdus » dans l’Océan indien. Sans qu’on puisse vérifier la véracité des calculs.

Le vol Rio-Paris avait parlé très vite, alors que le crash avait eu lieu dans l’Atlantique, des centaines de débris ayant été retrouvé, des corps retrouvés en surface, d’autres retrouvés avec la carlingue, à près de 4000 mètres de fond deux ans plus tard… Pourquoi aucun matériel conçu pour flotter n’a été retrouvé nulle part ?

D’autres pistes pour l’enquête ? On réinterprète les dernières minutes des pilotes qui ont été muets dès qu’ils quitté l’espace malaisien. Les raisons pour lesquelles le transpondeur, principal moyen de communication, a été éteint ne sont pas connues non plus. Sinon qu’on se dit qu’il n’y avait aucune raison de les éteindre, éliminant une défaillance du pilote, son suicide ou une explosion. Pour F. de Changy, « ils signent, au contraire, une prise de contrôle de l’appareil avec volonté délibérée de le faire « disparaître »..

Qui est alors aux commandes ? C’est l’une des clés du mystère.  » Cet avion est resté sous contrôle jusqu’à la dernière minute « , affirme Tim Clark, le patron d’Emirates Airlines, la compagnie aérienne avec la plus large flotte de Boeing 777 au monde. Il est la voix la plus autorisée à dénoncer le manque flagrant de transparence dans cette affaire. Contrairement à ce qui a été écrit, pendant les premières semaines, dans la presse malaisienne et anglo-saxonne au sujet du pilote, tentant de lui faire porter la responsabilité de l’événement, rien ne permet de l’accuser.

Zaharie Ahmad Shah, 53 ans, n’est pas inexpérimenté : 18 000  heures de vol à son compteur. On ne pense pas qu’il aurait demandé à piloter ce jour-là. Sont-ce les données effacées sur un simulateur de vol qui pourraient parler ? Ou le copilote, Fariq Abdul Hamid, 27 ans et un peu moins de 3 000 heures de vol  qui a juste eu l’imprudence d’inviter deux passagères à visiter la cabine de pilotage sur un vol précédent ?

F. de Changy évoque un autre scénario « qui croît en popularité dans les cercles sérieux qui travaillent sur cette énigme. Depuis les attentats du 11-Septembre, les cockpits sont sécurisés. Mais, aussi ahurissant que cela puisse sembler, le compartiment électrique et électronique ( » EE bay « ), cerveau de l’avion situé en dessous de la cabine de première classe, est en  » accès libre  » à qui en connaît l’emplacement. La vidéo d’un pilote de la compagnie aérienne Varig montrant l’accès au système central d’un 777 (soulever la moquette et lever la trappe) a semé l’effroi parmi les pilotes. Si un équipage pirate prend ainsi la main sur toutes les commandes de l’avion, le cockpit est de facto désactivé, et l’équipage légitime ne peut plus faire quoi que ce soit. Pas même donner l’alerte, puisque le transpondeur a été éteint,  » d’en bas « .

Les tours de contrôle peuvent-elles parler ? Normalement oui, mais ici entre Kuala Lumpur et Hô Chi Minh, c’est le cafouillage complet. Retards dans l’échange d’informations, erreurs de localisation, finalement lorsqu’on réalise que l’avion a disparu, 2 h 10 se sont écoulées entre les deux messages des tours de contrôle. 5 h 30 seront nécessaires pour donner l’alerte de la disparition. En sachant deux semaines plus tard que le MH370 aurait bien survolé Sumatra à 2 h 22. D’autres déclarations des officiels malaisiens évoquent un demi-tour gauche, le survol de la péninsule, etc; « Les radars ont tout vu, mais personne ne regardait les radars » constate la journaliste.
Plus curieuses sont les recherches lancées par la Malaisie à l’est alors qu’elle avait laissé l’avion quitter son territoire par l’ouest. On peut imaginer une entreprise de diversion lorsqu’on demande à la Chine, le Vietnam et la Thaïlande d’aider aux recherches au mauvais endroit. Une partie de cache-cache a lieu avec les familles chinoises auxquelles on montre des radars, en oubliant certains clichés…. Et on s’étonne que tant de radars de différents pays n’aient presque rien vu. D’autres systèmes comme le système Acars, même éteint, auraient pu suffire à localiser l’avion comme ce fut le cas entre Rio et Paris en 2009. Ici, rien, aucun signal…

Personne ne rechigne à chercher et toujours chercher, telle la Chine qui interroge 21 satellites, 19 navires, 13 avions et 2 500 militaires. Et à nouveau, reviennent les cafouillages, l’absence de scénario, la qualité des données Immarsat, la suspicion sur un Russe et deux Ukrainiens dont les passeports n’auraient pas été vérifiés. Trop de questions demeurent sur la qualité des recherches malaises, les passagers des vols du lendemain,  Bref, un an après les faits, le mystère reste entier.  La géographie d’un vol aérien est mise à l’échec.

 

(1) Le Monde, 6 mars 2015, « L’improbable accident du MH370 », par F. de Changy.


Une réponse à “Disparition d’un Boeing : échec à la raison géographique”

  1. Bonjour Monsieur Gilles Fumey,
    Géographie astrale, ou trou noir ?
    Si j’étais une étoile je ferai évidemment la nuit pour exister. Mais cette obscurité m’envahirait de tous cotés par mes semblables éclairés. Quelle rivalité ! J’en viendrai presque à désirer que la lumière fut redonnée pour qu’enfin j’arrive à me repérer. Le clair obscur qui viendrait alors m’obligerait à supposer l’existence d’une face cachée.
    Mais n’étant pas une étoile, c’est bien le jour que j’apparais, mais comment pourrais-je alors expliquer autant de nébulosités.
    Si le jour et la nuit jouent souvent l’alternité c’est pour nous signaler que finalement lumière et obscurité ne font qu’un. Ne pensez-vous pas, qu’il est alors bien inutile de s’entêter à rechercher par ce biais la vérité ?
    Bien cordialement
    Pierre Chabat

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