Pizarro – Atahualpa, le choc Espagne / empire Inca

Les treize de l'île du Coq, J.B Lepiani (Pizarro cherche des conquistadors)

Peut-on comprendre ce qui s’est passé au Pérou lorsque le conquistador espagnol Pizarro fait prisonnier l’Inca, un 16 novembre 1532, avant de l’exécuter brutalement après lui avoir extorqué une énorme rançon d’or ? Peut-on le réduire au choc de deux mondes, l’ancien en Europe et le nouveau en Amérique ? Trop simple….

The execution of the Inca/A.B. Greene. Spaniards burn Inca emperor Atahualpa at the stake; to the right is a monk holding a crucifix.
The execution of the Inca/A.B. Greene. Spaniards burn Inca emperor Atahualpa at the stake; to the right is a monk holding a crucifix.

Il n’empêche. Alors qu’il n’y a pas de feu au lac, pas de risques pour les envahisseurs espagnols, 200 types marchent depuis Panama pendant sept mois dans la jungle, le désert, les montagnes du Pérou et massacrent 2 000 Indiens entourant Atahualpa, font prisonniers 3 000 pauvres soldats sans se fouler. Bien sûr, comme l’écrit Bernard Lavallé de Paris-III cité par E. Biétry-Rivierre (1) dans une biographie de Pizarro (Payot), rien ne prépare ce choc entre un « gouverneur patenté par Charles Quint, en réalité, un illettré, jadis obscur bâtard d’Estremadure et l’Inca, demi-dieu d’une trentaine d’années issu, lui, du plus haut lignage.« 

Certes, l’effet des cuirasses, des chevaux, les canonnades, les chiens de guerre, les esclaves noirs ont dû effrayer les Amérindiens pris, comme en embuscade, à Cajamarca (hauts plateaux andins). Les Espagnols ont bénéficié de toutes les infrastructures inca comme les routes, les greniers pleins à rabord, les porteurs. Et surtout d’une guerre civile qui déchire le monde inca depuis trois ans. Des ethnies comme les Tallanes, les Huambos, les Huayacuntus, les Huamachucos, les Huailas et les Huancas dont certains honnissaient les Incas comme des tyrans, leur résistaient vaillamment malgré les déportations, tous ceux là accueillent parfois les Espagnols comme des libérateurs. Le travail de sape des Espagnols était aussi facilité par une épidémie de variole qui avait atteint les Andes, la maladie ayant débarqué quelques décennies auparavant.

Cajamarca (Peru)
Cajamarca (Peru)

Lorsque Pizarro atteint le plateau de Cajamarca, l’Inca se repose non loin de là, dans les thermes de Cunoc. Pizarro connaissait un peu l’environnement social de la pyramide du pouvoir inca, sait qu’il peut frapper à la tête celui dont les Indiens n’osaient croiser le regard qui leur était sacré… L’exposition du Quai Branly montre que les Indiens  ne combattent pas la nuit, que les jeunes sont envoyés en première ligne dans les batailles (ils ne font donc pas peur aux Espagnols dont certains sont déjà en Amérique depuis plusieurs années) mais n’insiste pas sur les défaites de Pizarro vers Lima. En voyant des Indiens enturbannés comme des Maures reproduits sur des fresques d’églises, on comprend que le sens de la guerre en Amérique est le même que celui mené en Espagne contre les Arabes.

Aujourd’hui, les Péruviens ont déboulonné la statue équestre de Pizarro qui trônait depuis 1935 au centre de Lima pour la déposer dans une lointaine périphérie, sans piédestal ni plaque. Pour l’anthropologue J.-J. Decoster (1), Pizarro a été « un politicien formidable, ayant compris tout le parti qu’il pouvait tirer d’une guerre fratricide entre Atahualpa et Huascar, les deux fils se disputant la succession de Huayna Capac, le bâtisseur, le Napoléon inca. Aujourd’hui, le duo Pizarro-Atahualpa représente les deux versants de l’histoire nationale péruvienne, comme chez nous Vercingétorix et Jules César ».

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(1) Source : « La vérité sur le chute du premier empire américain », E. Biétry-Rivierre, Le Figaro, 8 mai 2015

(2) Exposition, du 23 juin au 20 septembre. Catalogue Actes Sud. Colloque international le 4 et 5 septembre.


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