« L’Hermione », une héroïne pour la liberté


L'Hermione sur les mers
L’Hermione sur les mers

Le merveilleux mérite du petit livre de Béatrice Vallaeys est de rappeler qu’un navire n’appartient tout à fait ni à ceux qui en racontent les traversées, ni à ses commandants mais aussi à ceux qui l’ont conçu et dont on ne parle trop rarement. Au moment où nous écrivons ces lignes, la réplique de la frégate qui fut en service de 1779 à 1793 et sur laquelle La Fayette rallia les insurgés américains en 1780 mouille dans les ports américains devant des dizaines de milliers de spectateurs.

Un « bateau pour la liberté » qui n’émeut pas Béatrice Vallaeys plus que cela. Pour la journaliste qu’elle fut, Lafayette ne tire pas ses qualités de son marquisat mais de ses talents de communicant. Elle renvoie aux méchancetés que Napoléon avait pour l’illustre aristo, mais aussi aux perles qu’elle trouve chez Chateaubriand (« Son aveuglement lui tenait lieu de génie » ou « Dans le Nouveau Monde, M. de La Fayette a contribué à la formation d’une société nouvelle ; dans le monde ancien, à la destruction d’une vieille société : la liberté l’invoque à Washington, l’anarchie à Paris ».) Une nécessité pour éviter de verser dans la niaiserie américaine car la lafayette mania a quelque chose d’insupportable quand on se méfie des idoles.

L’Hermione dans tout cela ? Elle va tisser à nouveau des liens entre deux peuples, grâce aux fous que furent ceux qui la ressuscitèrent pendant 17 longues années d’un chantier « magique » sur lequel elle interroge un François Asselin dévoilant tout sur le bois, une Anne Renault sur les voiles (drôles histoires de couture, les femmes !),  un Jean-Louis Frot, le maire de La Rochelle, « forcené du patrimoine », Benedict Donnelly, le « grand manitou »,  Maryse Vital, « l’irréductible »,  Jean-François Fontaine, le « roi du catamaran », Isabelle Georget, Aurélien Velot le forgeron et Yann Cariou, le commandant de L’Hermione. Chacun raconte comment il a croisé le chemin de L’Hermione, comment l’idée de reconstruire ce bateau de guerre a enflammé des centaines de bonnes volontés, comment ce fut un projet politique, de développement local comme à Rochefort, et comment tout ce tintouin, pour une fois, ne se termine pas avec un scandale, de l’argent disparu et des frustrations.

Des portraits attachants qui rendent encore plus folle cette idée. Ils feront monter vos larmes si vous êtes là pour accueillir L’Hermione en août 2015 en Bretagne.

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Résurrection de L’Hermione, la folle équipée, Béatrice Vallaeys, éditions HD, 2015


Une réponse à “« L’Hermione », une héroïne pour la liberté”

  1. « L’ancre indélébile ».
    Paix et liberté sont plus une question d’articulation que de concept. L’Hermione en est une fameuse illustration. Combattre pour la liberté est donc guerroyer pour détruire la paix imposée par les dictatures. On peut alors acquérir la liberté en ayant la liberté de faire la paix par la guerre, encore faut –il dans ces conditions être préalablement libre. Voici un petit imbroglio qui ne manque pas de rappeler les complexités de la mythologie grecque, Hermione comprise. La performance de la réalisation de cette réplique de vaisseau ne réside pas, comme l’exprime le marketing associé, dans une formidable promotion du monde libre, ni même par une performance de construction navale (17 ans de travaux, contre 11 mois pour son original), encore moins qu’une réelle prouesse archéologique de reconstitution des plans (ceux de « La Concorde » ayant largement aidés), mais bien comme la démonstration qu’un exceptionnel entêtement d’un petit nombre d’individus conduit finalement une aventure au succès.
    La question qui à présent peut se poser est qu’une fois avoir recueilli les acclamations américaines et peut être au bénéfice d’une crue du Potomac après avoir salué Washington, l’Hermione regagnera la métropole : que deviendra cet ouvrage symbolique ? Le « musée des épaves » du Croisic ou bien la décoration publicitaire du rayon antiquités des « Galeries Lafayette » ? Ce qui conclurait l’affaire de manière éminemment regrettable par un réel « échec et mât »
    Il serait plutôt souhaitable, qu’un autre « Richard Bronson » vienne compléter cette épopée par l’organisation de croisières « rétro » en jouant de ses 34 canons L’hymne à la joie de notre très européen Beethoven, éclairant le monde entier de l’héritage géographique du Roi soleil.
    Pierre Chabat

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