Rattachée à la France sous Philippe Auguste (XI-XIIe siècle), ce qui fait un bail, l’Auvergne compte encore des Gaulois qui tracent la frontière avec la France. La pancarte est un peu rouillée, le message ne date donc pas d’hier mais bien d’avant-hier. Qui a bien pu dresser ce message sur une pierre de granit, dans les hauteurs enrésinées de l’Auvergne au Col de Saint-Thomas, entre Loire et Rhône, non loin de Thiers ? Pourquoi cette plaque rouillée est-elle multi-reproduite sur Internet qui porte le message à travers le monde ?
Les bougnats qui l’ont fait découvrir (et manger) aux Parisiens ne renient pas cette frontière. Au contraire ! C’est parce qu’ils sont restés auvergnats qu’ils sont appréciés à Paris où la fortune a souri à certains, comme le Café de Flore du très chic boulevard Saint-Germain où se tiennent les cafés géo.
Ces démangeaisons identitaires sont courantes en France. Plus on s’éloigne de Paris, plus le sentiment anti-français est partagé. La Corse, le pays Basque, le comté de Nice, voire la Savoie aiment bien prétendre qu’ils ont gardé leur âme malgré le rattachement forcé. L’Alsace, pour laquelle on s’est battus, a légué la choucroute et le gewürztraminer à la France, mais parce qu’elle est bien au chaud, capitonnée derrière la ligne bleue des Vosges et qu’en-deçà, les non-Alsaciens sont bien des « Français de l’intérieur ». Le Nord a repris des couleurs avec la culture ch’ti en forme de Bienvenue, les « pays d’oc » entre Garonne et Méditerranée tiennent à leur culture, les Lyonnais et Bordelais cultivent leurs différences.
« Tout homme a deux patries » écrit Henri de Bornier (1835-1903). Au XXIe siècle, pour ceux qui pratiquent la multi-résidence, cette formule peut se multiplier par deux, trois ou plus, dépasser les frontières d’Etat, servir de refuge fiscal.