Locarno, Piazza Grande le 8 août 2012. La nuit est tombée sur la ville et 8 000 spectateurs vont enfin avoir des réponses sur la mort des abeilles. Markus Imhoof (Der Berg, Das Boot ist Voll) veut savoir pourquoi de la moitié à 90% de ces insectes, selon les régions, ont disparu dans le monde. Une épidémie troublante, puisque rien qu’aux États-Unis, plus d’un million et demi de colonies d’abeilles ne sont jamais revenues à la ruche après avoir pollinisé les plantes. On appelle cette hécatombe le « syndrome de Marie-Céleste » du nom d’un navire dont l’équipage en 1872 n’est jamais revenu.
Problème : 80% des espèces végétales sont fécondées par les abeilles. Nos fruits, nos légumes, au total, les trois quarts de nos cultures dépendent du travail d’Apis mellifera. Les responsables ? Les virus ? Les pesticides ? Les parasites comme le varoa ? Les voyages imposés par un homme âpre au gain sur des milliers de kilomètres ? Les émissions électromagnétiques perturbant les nanoparticules de magnétite dans l’abdomen des abeilles ?
Ce crépuscule des abeilles, Imhoof va tenter de le comprendre aux États-Unis sur lesquels pèse la suspicion d’un productivisme agricole destructeur. Mais aussi en Chine où les abeilles ont été décimées par une campagne d’éradication des moineaux qui a amené la vermine et contraint à l’usage des pesticides. Certains vergers doivent être pollinisés aujourd’hui… à la main. Pour Markus Imhoof, les abeilles sont aujourd’hui soumises à un véritable bras de fer de la part de l’économie libérale. Elles ne sont pas plus respectées que les ouvriers dans les Temps modernes de Chaplin.
Mais Imhoof vit dans l’aire culturelle allemande où l’agriculture biologique est la plus développée du monde. Il garde l’espoir que rien n’est perdu. C’est pourquoi il introduit ans son film une abeille tueuse, d’origine africaine, immigrée comme une clandestine en Amérique et qui semble très résistante.
Une fable géopolitique contemporaine qui fait écho à la Fable des abeilles (1705) de Bernard Mandeville et son éloge de l’égoïsme et nous pique au vif.
Film de 91 mn, en salles début 2013 en France
La bande annonce en allemand (vo) et en anglais (vst)
Pour en savoir plus :
– le Cruiser OSR de Syngenta, de la famille des néonicotinoïdes (substance active : thiaméthoxam) interdit en 2012 sur le colza mais autorisé sur le maïs…
– le Gaucho : interdit sur le tournesol et le maïs mais autorisé sur la betterave et le blé (« alors qu’il est 7297 fois plus toxique pour les abeilles que le DTT, selon le président de l’UNAF Olivier Belval).
– le Proteus, de Bayer et une bonne dizaine de pesticides pour le colza, sont toujours autorisés.
– le Cheyenne (ou Santana GR) de Philagro (sic) et le Sonido de Bayer : nouveau produits nouvellement autorisés et… à surveiller.
Outre les opinions scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité sanitaire (EFSA), l’Italie, la France ou le Royaume-Uni ont récemment pris des mesures à l’encontre des insecticides néonicotinoïdes ou mènent des enquêtes parlementaires sur leurs effets sur les abeilles. Les agrochimistes allument des contre-feux. Un rapport commandé par Bayer et Syngenta à un cabinet de consultants, rendu public lundi 14 janvier, chiffre les bénéfices des néonicotinoïdes à 4,5 milliards d’euros par an pour l’économie européenne et estime que leur abandon coûterait 50 000 emplois agricoles. Le rapport ne dit pas que, au niveau mondial, les services rendus par les insectes pollinisateurs sont estimés à 115 milliards d’euros par an.
Mise à jour du 7 mai 2013
Les abeilles sont tombées comme les mouches aux Etats-Unis
Cet hiver, près d’un tiers des colonies ont été décimées dans le pays, pour une raison inconnue.
Près d’un tiers des colonies d’abeilles aux Etats-Unis ont été décimées au cours de l’hiver 2012/2013, une surmortalité aussi préoccupante pour la pollinisation des plantes à fleurs qu’inexpliquée, selon les experts.
Publiée quelques jours après un rapport du ministère américain de l’Agriculture (USDA) et de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) qui pointaient déjà la disparition croissante de la population d’abeilles aux Etats-Unis, une étude a confirmé mardi les inquiétudes des experts.
Selon cette enquête, menée par l’USDA et des associations professionnelles, les colonies d’abeilles ont décliné de 31,1% durant l’hiver dernier. C’est 42% de plus que l’hiver précédent, lorsque 21,9% d’entre elles avaient disparu.
Chaque année depuis 2007, les autorités américaines et les associations AIA (Apiary Inspectors of America) et Bee Informed Partnership interrogent à deux reprises un large échantillon d’apiculteurs sur leur élevage d’abeilles. «C’est une question simple que l’on pose dans l’ensemble du pays en octobre puis en avril, pour voir combien de colonies ont survécu à l’hiver», détaille Jeffery Pettis, qui dirige le service de recherches agricoles de l’USDA.
Quelque 6.200 producteurs, représentant 22,9% de la production totale du pays de 2,62 millions de colonies, ont répondu cette année. Or, «70% d’entre eux ont fait état de disparitions plus importantes» cette fois, selon l’étude. «Nous ne menions pas d’enquête comme celle-ci auparavant mais d’après notre expérience et nos contacts avec les producteurs il ressortait qu’en général les pertes se situaient entre 10% et 20%», indique Jeffery Pettis.
Désormais, et sans que les experts s’accordent sur un facteur déterminant, quelque 30,5% en moyenne des colonies d’abeilles meurent chaque année depuis l’hiver 2006/2007.
«Les abeilles ne peuvent pas attendre»
«C’est alarmant, à la fois pour les apiculteurs et pour répondre à nos besoins de pollinisation», poursuit-il. «Les prix pour polliniser les cultures ont plus que doublé, le prix des abeilles est en nette augmentation, mais si on ne peut pas en fournir, les récoltes vont en pâtir, se réduire et faire monter les prix de la nourriture, affectant au final notre nutrition et la chaîne alimentaire».
La Californie, l’Etat le plus gourmand en abeilles, est le plus touché par ces pertes. Pour sa seule production d’amandes, cet Etat de l’ouest des Etats-Unis a besoin de 1,5 et 1,7 millions de colonies, soit 60% des abeilles élevées dans le pays.
Une nouvelle perte de 30% serait un désastre pour la culture d’amandes, prévoit l’USDA.
Outre l’action des parasites, de maladies et de facteurs génétiques, l’exposition aux pesticides et une mauvaise nutrition liée à la disparition progressive de la faune sauvage, ont contribué à cette hécatombe.
Mais, pour la première fois cet hiver, «il semble qu’un stress dû à la migration» des productions d’abeilles pour répondre à la demande de l’ensemble du territoire américain «ait été un facteur important», selon M. Pettis.