Une esthétique de la dévastation ?


Edward Burtynsky et Alfonso Batalla partagent un goût certain pour les grands espaces, et tous les deux cultivent une certaine monumentalité dans la composition de leurs photos. C’est pourquoi leurs œuvres nous donnent un peu le vertige car elles ouvrent sur des univers que l’on connaît mal : pour l’un, les grands sites touchés par l’industrie, sous toutes ses formes. L’autre, un contrepoint visuel entre des lieux abandonnés et des traces de la société de consommation actuelle, mais comme incrustés dans un contexte d’après-guerre nucléaire, quand tout est comme en déréliction.

Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’objets de méditation complexes et inquiétants. Les grands sites miniers de Burtynsky par exemple nous font prendre conscience des effets littéralement abominables de certains types d’activités sur l’environnement, et même les plus indifférents à l’écologie seraient obligés de convenir du caractère démesuré de ces altérations. Quant aux photographies de Batalla, elles peuvent faire sourire car les juxtapositions visuelles paraissent parfois saugrenues. Mais elles sont surtout là pour nous dire à quel point le monde de la consommation s’inscrit dans un contexte périssable, précaire et instable. On peut se demander « jusqu’à quand ? ». Jusqu’à quand tout cela pourrait-il durer ? Est-ce seulement fait pour durer ? Le contraste fait ressortir toute la force de ces objets manufacturés qui envahissent notre quotidien et le façonnent.

La dernière fiction dissipée par ces deux œuvres, c’est aussi, finalement, l’idée que nous serions entrés dans une ère post-industrielle. Tout comme la post-modernité, qu’il conviendrait bien plutôt d’appeler sur-modernité, ère post-industrielle ne serait qu’une ère sur-industrielle, tant les produits usinés (« manufacturés » apparaîtrait comme une plaisanterie) ont pris d’importance.

Reste l’aspect esthétique de ces images : les clichés de ces deux photographes ont une force visuelle indéniable, même si parfois les travaux de Batalla ne sont pas parfaitement convaincants. Mais si l’on fait abstraction de ce qu’elles montrent, ces photos sont de très beaux documents visuels. La lecture de la légende des photos de Burtynsky fait souvent dresser les cheveux sur la tête, car alors on comprend vraiment ce que cela montre. Et la sensation de démesure, de hors échelle, s’impose alors.

Pour en savoir plus:

http://www.alfonsobatalla.com

http://www.edwardburtynsky.com


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