Le Louvre à Lens : « la victoire d’un territoire » (François Hollande)


L’ancien carreau minier de Lens

Ainsi l’Europe dynamise-t-elle ses villes en y ouvrant des musées. L’époustouflant succès de Bilbao – la ville a rebondi grâce au talent de Franck O’Geary – a été maintes fois tenté ailleurs. Pour les géographes qui ont planché sur la carte de Lens et son célèbre carreau minier – avec la fosse 9-9 bis qui accueille le Louvre -, c’est donc une révolution. D’autant que sur l’architecture de cette extension du somptueux palais parisien n’est qu’une épure dans un quasi terrain vague qui va devenir un jardin. Pour la paysagiste Catherine Mosbach, « le parc va réactiver la mémoire vive du cycle des matériaux de la plante à la houille valorisé en ressource économique, puis en symétrie inverse, de la houille à la plante valorisé en ressource patrimoniale« .  Il y a là comme un écho entre la pyramide de Pei à Paris et les pyramides côniques des terrils non loin de là, en cours de végétalisation. L’aluminium anodisé des bâtiments se veut discret pour laisser la ville chuchoter avec le musée.

Le Louvre-Lens est une histoire qui vient de loin. Dans le casting, Jean-Jacques Aillagon, l’inusable Jack Lang, le président de région socialiste Daniel Percheron, Renaud Donnedieu de Vabres qui se fait apostropher par trois mamies veuves de mineurs, invitant notre aristo à boire « un tiot’ bistouil » pour expliquer au ministre de Jacques Chirac qu’elles veulent le musée ! Le premier ministre Raffarin en rajoute quand il vient passer l’annonce en novembre 2004 : « Un pays ne peut oublier ceux qui se sont sacrifiés pour lui. C’est une décision de mémoire et d’avenir ». Mais c’est une décision dans la parfaite tradition française du grand musée national qui prête ses toiles à des « extensions« . Non pas pour une annexe mais un vrai musée qui couvre toute l’histoire de l’art. Et pour des oeuvres exposées dans le même espace, alors qu’elles sont dispersées à Paris. Les visiteurs ont la possibilité au niveau inférieur de voir les réserves et les espaces de restauration des oeuvres  : le musée expose ses coulisses au public.

Sept cent mille visiteurs attendus en 2013 et un demi-million en vitesse de croisière. Voici Lens sur un tremplin, au centre d’un bassin de population de plus de 100 millions d’habitants sur un rayon de 350 kilomètres à la ronde. Un hic : Pages Jaunes affiche onze hôtels à Lens le jour de l’inauguration du musée par le président de la République, en décembre 2012. A Lens, l’une des villes les plus pauvres de France, le taux de chômage dépasse les 16% des actifs, plus de la moitié des ménages ne paie pas d’impôt sur le revenu, la population actuellement de 35 000 habitants en a perdu 7000 depuis la fermeture des mines.  La question posée aujourd’hui est de savoir si les visiteurs ne vont pas bouder le musée qui ne déchiffre pas, de loin, comme un bel objet architectural… Rien à voir avec Bilbao ou le futur musée des Confluences à Lyon (et je laisse de côté le style Parc à stroumpfs du Beaubourg lorrain). Le pari est tout autre ici : deux cent-cinq objets renouvelés par cinquième tous les ans, une galerie de thématique annuelle (cette année : Le temps à l’oeuvre), et une galerie d’expositions temporaires.

Le Musée parisien n’a pas été chiche de grandes oeuvres prêtées pour la Galerie du temps : idole ou déesse-mère des Cyclades (IIIe millénaire avant notre ère), vase iranien (de Malik) de la même époque, élégante du temps d’Aménophis III,Pazuzu, être mythologique assyrien, discophores grecs, mosaïques byzantines de Torcello, la première image de François d’Assise (XIIe siècle). La Renaissance est copieusement représentée avec un saint Sébastien du Pérugin, le Portrait de Baldassare Castiglione de Raphaël, puis les époques moderne et contemporaine avec la Madeleine à la veilleuse de Georges de La Tour, le saint Matthieu avec l’ange de Rembrandt jusqu’à Ingres et Delacroix. On  ne suit pas un ordre mais, comme dans un paysage, on chemine selon sa sensibilité. « Le Louvre-Lens est un anti-Louvre : plus pédagogique puisqu’il raconte une histoire, moins touffu vu le nombre restreint des oeuvres, mieux éclairé » (Laurent Wolf).

Dans la salle des expositions temporaires, le visiteur est  salué par le sourire de La Vierge à l’enfant avec sainte Anne de Léonard de Vinci qui vient de sortir de l’atelier de restauration. Plus loin, un Arc de Triomphe de l’empereur Maximilien Ier de Dürer très fragile et donc très peu vu, et près de deux cents gravures qui ambitionnent avec peinture, sculpture et arts décoratifs de raconter la Renaissance européenne, du Nord au Sud. Cette exposition « La Renaissance. Révolution dans les arts en Europe – 1500-1530 et ses treize thèmes principaux est ouverte jusqu’au 11 mars 2013).

Pour Henri Loyrette, l’actuel directeur du Louvre parisien, le Louvre-Lens, c’est un « laboratoire pour le Louvre de demain« . On critique ici ou là « l’alignement« , le « saupoudrage » de ces centaires de spécimens de l’art qui auraient vocation à résumer cinq millénaires.  D’autres approches sont proposées sur la science (anatomie, perspective), le dessin, l’estampe.

Dans un bassin minier qui vient d’obtenir son inscription patrimoniale à l’UNESCO, on prolongera la visite de Lens en grimpant sur les terrils, en appréciant la brique sablée, les façades hardies, les cités-jardins. L’urbaniste Michel Desvignes s’est coulé dans le moule foncier mis en place par les communautés urbaines locales. Euralens, sur le modèle de Euralille, organise l’attractivité  : ici, des terrils illuminés par le plasticien Yann Kersalé, là des parcs et des canaux réhabilités. Le Nord va briller de tous ses feux.

 

PEDAGOGIE :

• L’éditeur du Pas-de-Calais Henry a pensé aux plus jeunes avec la parution le 8 novembre de l’album La Joconde se fait la belle, né d’un projet pédagogique entre Jean-Michel Delambre, Tym! et les enfants de l’école Jean Jaurès de Liévin. Il s’agit pour les écoliers d’imaginer le voyage de la Joconde dans le Nord-Pas-de-Calais, où va s’ouvrir le Louvre-Lens, à la recherche de son fameux sourire perdu.
• Un documentaire écrit par Nora Philippe et Michaël Gaumnitz, réalisé par Michaël Gaumnitz. Coproduction : ARTE France, AMIP, musée du Louvre (2012, 52 mn). Diffusé sur Arte le dimanche 16 décembre à 16h50.

• 1 auditorium de 280 places (La Scène)
• Six ateliers pédagogiques

Accueil du mercredi au lundi à partir de 9 heures pour les groupes.

www.louvrelens.fr

 

 

 


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