Bien sûr, ça manque un peu d’originalité de faire un film bien écrit et bien joué, avec un récit plutôt attendu et des acteurs confirmés livrant une partition impeccable – Jeanne Moreau crevant l’écran, c’est d’une banalité… On pourrait ajouter que les marivaudages d’habitants des beaux quartiers de Paris, deux anciens amants rejoints par une intruse venue de loin, ça ne bouleversera le regard de personne sur notre monde. Certains prendront même un air blasé pour faire remarquer qu’une mise en scène réussie, fignolée, parfois pleine d’intelligence et d’imagination, c’est du déjà vu, c’est classique. Soit. On pourrait dire tout ça, avec plus ou moins de mauvaise foi, à propos d’Une Estonienne à Paris, long métrage habilement mené par l’estonien Ilmar Raag, engagé à Locarno dans la Compétition internationale – et récompensé par le Prix du Jury Œcuménique. On passerait à côté de l’essentiel : ce film plein de poésie est une merveille posant sur Paris un très beau regard.
Il réunit un trio a priori propice aux bons mots et aux portes qui claquent : Anne, une estonienne quinquagénaire divorcée et venant d’enterrer sa maman, est embauchée par Stéphane, un patron de bistrot parisien, pour s’occuper de son ancienne amante Frida, de quelques décennies son aînée. Elle aussi vient d’Estonie mais, arrivée jeune à Paris (la suite ici, sur Le Monde dans l’objectif)