Ils sont près d’une centaine à table. Ils ont fait des milliers de kilomètres en avion pour passer quelques heures au mont Saint-Michel après avoir visité au pas de charge Paris et Versailles. Je les ai croisés ce matin, affairés à décrypter leur assiette.
A quoi pensent les Japonais devant le mont-Saint-Michel ? A évoquer le Fujiyama ? Ou à rien de bien particulier ? Peut-être sont-ils là simplement pour faire société, se confronter l’un à l’autre dans un lieu qui n’est pas celui de l’habitude. Se voir et voir l’autre dans un autre cadre que le sien, c’est-à-dire prendre le risque de le voir autrement. D’être déçu. Ou épaté.
Le touriste va ailleurs pour se connaître, apprendre qui il est auprès de lieux ou d’objets qu’il a désirés.
Reste une question : comment un beau site touristique reste-t-il « beau site touristique » pendant trois siècles, se demandait l’équipe de recherche de l’université Paris-Diderot (Tourismes 3, Belin). Les gens du Moyen Age ont inventé le spirituel (montagne sacrée), les Anglais le pittoresque. Puis le chemin de fer et la route ont amené les masses. Le lieu s’est diversifié, équipé de commerces. Les guides ont maintenu le pèlerinage comme étape facile, incontestable pour qui veut « connaître » la France.
Avant le repas, ce matin, les appareils photo ont crépité plus que d’ordinaire : un arc-en-ciel est apparu au-dessus du Mont. La confirmation qu’il fallait bien faire ces milliers de kilomètres pour voir surgir des prés salés cette bosse de granite à deux micas.
A quoi pensent des Japonais devant le mont-Saint-Michel ? Comme tout le monde, ce matin : à prendre des photos…
Pour aller plus loin :
Christine Cayol et Wu Hongmiao, A quoi pensent les Chinois en regardant Mona Lisa,Tallandier, 2012. Excellent !