La France moche ou nos villes dans leurs capitons de laideur


On les appelle en architecture et urbanisme les « boites à chaussures », ces magasins plantés là au hasard ou au cordeau autour des villes et le long des grands axes de circulation. Comment s’en débarrasser ?

Tel était l’objet d’un colloque à Strasbourg (janvier 2013).  Ces ceintures de laideur sont un mystère : les élus les stigmatisent : « Une calamité à attribuer aux commerçants », pour Robert Herrmann, premier adjoint au maire de Strasbourg. Les PDG font mine de les détester : « Moche, triste et générateur de beaucoup de nuisances », pour Philippe Journo, patron du promoteur-investisseur Compagnie de Phalsbourg. Et pourtant : « Cela a beau être laid, l’étude que nous avons menée montre que les clients sont ravis », dit le délégué général du Conseil national des centres commerciaux (CNCC), Jean-Michel Silberstein. On voudrait voir cette fameuse étude…. Demandez à votre poissonnier si ses limandes sont fraîches.

L’Etat ne fait pas rien : une mission ministérielle, l’Atelier national des territoires économiques, tente de rectifier le tir, sans trop savoir comment s’y prendre. On a bien agi sur la voierie mais il faut surtout requalifier l’espace privé. Pour cela, s’armer de patience devant la multitude des propriétaires. Un autre problème : le coût. Les villes peuvent exproprier en cas de déclaration d’utilité publique, mais où trouver les fonds pour payer l’addition à ces propriétaires, « assis sur des tas d’or » (B. Latreille) ?  En rachetant leur terrain, en démolissant les boites, en indemnisant les enseignes. On va souvent au plus simple, sans réhabiliter : on étale de nouvelles constructions. En 2012 et 2013, il se sera construit 1,1 million de mètres carrés de parcs d’activités commerciales, soit 140% par rapport à 2011.

Parfois, les villes rattrapent ces zones commerciales avec les transports en commun, tentent de les valoriser en créant de nouveaux étages, voire des habitations. Mais quand il faut requalifier une zone qui marche très bien, le challenge est autrement plus compliqué.

Faut-il désespérer ? Voici quelques exemples de reconversion en cours.

Montpellier. L’agglomération  a fait le choix d’un nouveau centre Odysseum, sur la route entre le coeur de la vieille ville et les plages de sable. Des centaines d’hectares sur lesquels la communauté urbaine construit des logements, prolonge le tramway, recycle une part des commerces, dont certains sont rasés. Les hypermarchés restent, mais une partie de leurs parkings vont accueillir des commerces surmontés de bureaux. Manière de densifier l’espace.

Sainte-Geneviève-des-Bois (Ile-de-France). A La Croix Blanche, en région parisienne, les villes du Val d’Orge contrôlent la construction des boites, recyclent les bâtiments industriels depuis quinze ans. Les premières opérations financent les suivantes. Un modèle économique qui, à s’y méprendre, ressemble à celui qu’Haussmann a mis en oeuvre à Paris sous le Second-Empire.

Saint-Etienne. Au Pont de l’Ane Monthieu, l’impression est étrange : tout est mélangé. Habitations, entreprises, voies ferrées sur plus de 400 parcelles au portes de la ville. Il faut composer avec Géant Casino, mais aussi une volonté de favoriser les PME, accueillir le tramway. Le tout, dans un environnement de qualité signé par des architectes.

Troyes. A l’aire des Moissons (photo à gauche), on requalifie l’immense zone commerciale de Saint-Parres-aux-Tertres. Moins par démolition que rénovation des bâtiments car l’agglomération n’a pas de raison d’imaginer une forte croissance démographiques ces prochaines années et parce que les terres agricoles sont, ici, d’excellente qualité. Les opérations sont financées par des droits à construire aux confrères du groupe en charge de cette rénovation.

Toulon, projet famille passion Rédactrice PONTONE

La Vallette-du-Var (Toulon). Le site commercial Barnéoud, véritable friche comparée à Toulon-Grand Var est requalifié par une société foncière qui ouvre des commerces supplémentaires. Mais aussi des logements, un hôtel, des bureaux, des parkings. Ici, on a donc privilégié l’étalement. Les terres agricoles sont menacées, les chambres d’agriculture sans doute impuissantes ou peu volontaristes.

 


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