Comment les Suisses luttent trop contre la pollution


Rien ne vaut la nature pour s’étonner des humains. Dans le cas qui nous occupe, des chercheurs de l’université de Lausanne (Suisse) reviennent sur la politique de limitation des phosphores mise en place dans les années 1980 lorsqu’on accusait les lessiviers et les agriculteurs productivistes d’être responsables de l’eutrophisation des cours d’eau et des lacs. S’en était suivi un plan de déphosphoration qui a été si efficace que la situation inquiète la Fédération suisse de pêche : «La situation est dramatique dans le lac de Brienz (Oberland bernois) et bientôt dans d’autres plans d’eau suisses, dénonce Roland Seiler, président de la fédération sur le site Largeur. Durant les vingt dernières années, la concentration de phosphore a chuté massivement. Cela a causé la disparition des daphnies, des puces d’eau dont se nourrissent les poissons. Les captures de corégones par des professionnels se sont effondrées de 20 tonnes à 2 tonnes annuelles

D’autres essais sont tentés sur d’autres lacs, dont celui des Quatre-Cantons pour parvenir à supprimer la déphosphoration des stations d’épuration qu’on accuse d’être coûteuse…
Le Parlement a dû répondre à la question de savoir si « les plans d’eau sont trop propres ».  Voici l’argument qui a fait rejeter la réponse :  «Au niveau national, la quantité de poissons pêchés annuellement dans les lacs helvétiques reste stable depuis de nombreuses années (1 700 tonnes), déclarait la ministre de l’Environnement Doris Leuthard lors du débat parlementaire. Le lac de Brienz compte certes aujourd’hui un taux très faible de phosphore, car il s’agit d’un lac de montagne, donc à l’origine très pauvre en éléments nutritifs. Faire augmenter de manière artificielle le taux de phosphore serait une ingérence manifeste dans la topographie naturelle de ce lac.»
Mais pour les chercheurs, ce retour en arrière n’est pas acceptable. Gerald Hess, philosophe et spécialiste d’éthique environnementale à l’Université de Lausanne, explique que l’homme nuit à la nature et qu’un nettoyage est une preuve de respect de cette nature. Il faut penser au long terme et aux autres dimensions. Cité par Largeur, le député Werner Luginbühl favorable à la motion, souligne que sa démarche implique également une réflexion écologique. «Je m’interroge sur le fait de savoir s’il est raisonnable de nettoyer autant nos lacs, pour ensuite importer du poisson, par exemple d’Asie.» Du monde entier, les importations représentent 50’000 tonnes par an à mettre en perspective avec quelque 2’000 tonnes pêchées annuellement dans les lacs suisses. Arrêt de la pollution signifie retour de la biodiversité.

Mais voici une arête dans le raisonnement  : le Léman a perdu les trois-quart de son phosphore sans que le nombre des fritures et de la pêche en soit affecté.

Pour le lac Léman, les effets de la déphosphoration ont été salutaires: la quantité de phosphore est passée de 81 mg/l en 1981 à 22 mg/l en 2010. Cette évolution n’a pas engendré une baisse de la quantité de poissons pêchés dans le plus grand lac de Suisse. Au contraire: les prises annuelles moyennes ont augmenté et même dépassé les 1’000 tonnes en 2009. Selon les spécialistes, l’amélioration de la qualité de l’eau ces dernières décennies a favorisé le retour d’une plus grande biodiversité.

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Pour en savoir plus :

L’article de Largeur  et Comment le phosphore asphyxie un lac

Une quantité importante de phosphate nuit à la biodiversité, rappelle Audrey Klein de la Cipel. «Elle crée un développement intempestif d’algues. Lorsqu’elles meurent, elles se décomposent et consomment de l’oxygène. Autrement dit, plus il y a d’algues, moins il y a d’oxygène, en particulier dans les eaux du fond, ce qui peut mener à l’asphyxie du lac. Ce manque d’oxygène — l’eutrophisation — met en péril l’existence des poissons et d’autres organismes vivants.»


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