Si vous aimez les sensations fortes, si vous adorez l’étrange, et si vous vous passionnez pour les recoins les plus sombres de l’imaginaire humain, alors cette exposition est pour vous.
Le musée d’Orsay ouvre ses portes au romantisme noir, cette « part maudite » de la culture européenne qui fit florès dans la première partie du XIXe siècle, dans le sillage tourmenté de la révolution française mais qui avait débuté dès la seconde moitié du XVIIIe siècle en Angleterre avec les Shelley, Matthew Gregory Lewis (Le Moine, 1796) et autres William Blake. Alors que l’Angleterre connaît les débuts de l’industrialisation, l’Ancien monde craque de toutes parts et l’inquiétude s’empare de l’Europe cultivée. Les croyances anciennes s’effritent, le rapport à la mort change dramatiquement et la raison s’emballe pour donner des rejetons difformes gravés par Goya. Le roman de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée des Temps modernes, de 1818, donne le ton et ouvre sur un imaginaire inquiétant et angoissé.
Cet imaginaire ouvre des perspectives sur des paysages intérieurs parfois effrayants, comme dans le tableau ci-dessus de John Martin, Pandaemonium, inspiré du Paradis Perdu de Milton. Tout au long de l’exposition, on assiste à un défilé d’étrangetés parfois malsain, souvent beau, et quelque fois « sublime » pour reprendre une terminologie chère à l’époque de Kant qui se pâmait devant les grands horizons déchiqueté de la haute montagne ou de l’Océan déchaîné. Car vous y retrouverez les fantastiques paysages de Carl Caspar Friedrich, et les tableaux de Max Ernst, tout comme des sculptures spirites et des photos médiumniques trop naïves pour être honnêtes mais auxquelles crut pourtant une Marie Curie.
Lorsque l’on ressort de cette exposition, mêlant tableaux, sculptures, gravures et extraits cinématographiques, on reste éberlué par les angoisses de nos ancêtres, perturbés par la disparition du monde imprégné de christianisme au profit d’inquiétudes multiples, où l’inconscient fraie sa route mais aussi de nouvelles voies esthétiques et surtout, une esthétique paysagère totalement renouvelée. L’idée de « paysage de l’âme » s’impose alors, pour le meilleur et pour le pire.