La folie d’une course après le temps (1)


J’ai eu l’occasion,  une soirée, de goûter la cuisine de Danièle Delpeuch-Mazet, qui fut la cuisinière de Mitterrand. Agée aujourd’hui de 70 ans, elle raconte sur son blog un marathon qu’elle a dû consentir à faire il y a quelques semaines, pour arriver à temps, en Nouvelle-Zélande où est programmée une soirée en l’honneur d’un film, Les saveurs du Palais, racontant ses années à l’Elysée. Ce qui m’intéresse ici, c’est la course contre le temps pour parvenir à ses fins. Un marathon géographique ahurissant. On mettra ce récit en relation avec le post suivant (Courir contre le temps, 2) qu’on pourra lire demain, sur les voyages, les déplacements et notre rapport à l’espace.

Danièle Delpeuch-Mazet :

Alors là,  je suis en Australie pour dix jours. Où je ne suis pas revenue depuis … Ce doit être seize ans. Impossible de me rappeler.

Premier rappel à l’ordre à Singapour. Dans les aéroports, sur les tapis roulants se tenir fermement sur la gauche si on ne veut pas avancer d’un bon pas. Se mettre tranquillement sur la droite, comme chez nous, est une faute de goût!

Le projet est d’atterrir depuis Paris  en Nouvelle-Zélande (photo de l’aéroport de Wellington, ci-dessus) et d’assurer quatre heure après mon arrivée, avec la projection du film les Saveurs du Palais, l’ouverture du Festivals du film français en compagnie de Monsieur l’Ambassadeur et du Président de l’Alliance Française.  Ouh la la!!

Partie de Paris  sous la neige avec trois heures de retard, utilisées pour dégivrages divers, je sais que j’ai manqué toutes mes correspondances. L’ouverture du Festivals à plusieurs milliers de kilomètres de là est fortement compromise. Mais un premier vol de dix heures m’attend ou je m’endors presque instantanément sous une bonne couette dans le confortable fauteuil transformé en lit, que les bons soins de Patrick Benhamou (Directeur général d’Atout France à Sydney) m’a réservée. Réveil par l’hôtesse qui m’informe du contenu du petit déjeuner. J’ai le temps d’une brève toilette où je me dépouille du collant, du Damart et de deux couches de pull et je m’efforce de marcher à gauche sur le tapis roulant de l’aéroport de Singapour dans la touffeur de la nuit indonésienne. Ça se confirme j’ai manqué mon vol pour Sydney. Je ne suis pas la seule.

Une attente de trois heures et un vol Quantas…. Nous n’avons pas rattrapé le retard, mais bon, l’avion décolle pour neuf heures de voyage vers Sydney.  Je découvre plein de boutons sur l’accoudoir, et un qui me laisse perplexe: Massage! C’est le même mot en anglais et en français. J’ai encore sommeil, (les restes du Québec deux jours avant)  je m’organise avec les boutons je me retrouve allongée,  couette, oreiller, genoux et jambes légèrement surélevés. J’appuie sur massage, pour voir. Une douce et souple boule chaude entreprend de remonter du bas du dos, jusqu’aux épaules où elle s’attarde avant de redescendre. C’est divin, je m’endors. L’hôtesse me réveille, nous avons le temps de déjeuner avant d’atterrir. Youpee ! C’est Sydney. Pas de commentaire sur l’omelette en altitude. Il fait chaud. Normal c’est l’été. Patricia, la jeune femme organisatrice de mon périple a un visage calme et souriant mais je vois bien qu’elle est catastrophée. L’avion pour Wellington est parti sans moi. Le festival commence dans six heures et demi, dans un autre pays, à deux mille cinq cent Km. Il n’y a plus de vol direct. Je suis un peu lasse. Patricia me propose un vol en deux parties qui m’amène à Wellington à 8h du soir, c’est à dire après la bataille…. Bon je vais rester à Sydney, trop fatiguée, on verra demain.

Puis  aussitôt je me raisonne. je ne suis pas venue de si loin pour faire ma sucrée! Il n’y a vraiment rien à faire? Si tout le monde s’y met, je veux bien tenter mais il faut que j’arrive au début de la manifestation. Nous avons six heures devant nous. Patricia me demande de ne pas bouger d’un pas et disparait. Elle revient en courant avec un agent de l’aéroport qui me débarrasse de ma valise. La bise, la file de l’équipage pour douane et immigration, des sourires. Premier avion pour Auckland. J’y suis. Au moins je passe le bras de mer entre Australie et Nouvelle Zélande. Deux heures et demie plus tard et encore un dodo (qu’est ce que j’ai dormi pendant ce voyage) nous atterrissons. Derrière la porte de l’avion deux grands Néo Zélandais m’attendent, me débarrassent de mon sac à main me demandent mon passeport et m’invitent à courir vers la file des diplomates. Rapide inspection, tampons, sourires, souhaits chaleureux. Je m’engouffre dans une voiture  qui me conduit vers un avion dans lequel je monte où je retrouve mes bagages. Il s’est passé au bas mot quinze minutes. l’avion décolle. Wellington est à six cents km. J’évite de regarder l’heure.  Nous arrivons. A nouveau, des agents derrière la porte de l’avion me prennent en main. Aurélia m’attend avec un chauffeur pour aller tout droit vers l’immense salle de spectacle ou sont installés sept cent cinquante personnes à qui on a servi un grand verre de vin blanc. le Festivals est commencé depuis 18H30, il est 18H40. Monsieur l’Ambassadeur est prévenu, il va orner un peu son discours. Il le fait.

Je suis dans les murs. Dans les toilettes pour dames,  j’échange rapidement mes vêtements de trente heures de voyage contre une tenue de soie laquée. Les ballerines.  Un petit coup de rouge à lèvres.  Le Président de l’Alliance Française est en train de raconter mon périple, on me pousse à ses côtés.  Tout le monde se lève pour une longue ovation. quand le silence est revenu, un couple vers le milieu de la salle  entonne un chant de bienvenue. Dans ma surprise je vois que tout le monde écoute religieusement.  Je suis saisie et très émue. J’apprends par la suite que c’est un très grand honneur que vient de me faire le représentant du peuple Maori au gouvernement en compagnie de son épouse.  Ils assistent à la soirée.
Je trouve que c’est trop bien d’être une cuisinière française à l’autre bout du monde. Je remercie mentalement  Étienne Comar d’avoir eu la riche idée de raconter mes petites histoires dans un film.  Je présente ce qui s’appelle ici « Haute Cuisine « . Ma tête est un peu embrouillée, mais j’adore ce pays et je leur dit d’être attentifs aux dernières phrases du film car ils font partie de mes rêves.  je les invite à me rendre visite en Périgord.  Le Festival est déclaré ouvert et je m’installe en face de la projection dans un fauteuil confortable. J’ai encore dormi.

Comme j’embrassais chaleureusement le dernier agent d’aéroport en lui disant que sans lui et sans ses collègues, rien n’aurait été possible. Il m’a répondu « Nous les Kiwi, on est bon pour ça, et puis on aime les aventuriers. Bonne chance avec ton film ».

Je confirme. Eux les Kiwi ils sont très bons. Merci à eux.

Ici le passionnant blog de Danièle Delpeuch-Mazet


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