Faut-il revenir sur un événement aussi ancien que ce 29 mai 1953 : Hillary et Norgay plantent leur piolet sur ce que les humains considèrent comme le « toit du monde ». Le monde a-t-il besoin d’un toit ? Et cette curieuse métaphore du toit est-elle appropriée pour parler d’un sommet ? Dans les histoires mythiques, il n’y a souvent pas de réponse. Si ce n’est pour dire avec Jean-Christophe Rufin, l’excellent préfacier, que l’Everest se nourrit du fantasme des régions inaccessibles, « des lieux où la vie n’est peut-être plus possible, où la Terre devient une autre planète, faite de nuées, de rocs et de glaces. Le point le plus haut du monde fait rêver parce qu’il est en même temps le plus près du ciel« .
Entre les deux natures de l’Everest, il y a la conquête. La montagne et ses arêtes, les séracs, les cols, les parois, la neige et la glace. Et il y a l’histoire. Car ce 29 mai 1953 est l’aboutissement d’un long acharnement sur l’Himalaya.
Comment en rendre compte ? Partager ce qu’on vit sinon dans les années 1950 prendre des photos. Avec cette énorme contrainte que les photos se heurtent au gigantisme de la montagne. Everest de George Lowe et Huw Lewis-Jones font le pari de vouloir montrer que les photos pourront traduire « l’inconnu, la fragilité, la passion, la fraternité » que Jean-Christophe Rufin a su retrouver dans ce livre. On ne devrait pas appeler ce genre d’ouvrage un « beau livre« . Car il est plus que cela.
Il y est question de vie et de mort, de dépassement de soi, de « victoire » sur soi, expliquant mieux que tous les discours écologistes la fascination qu’exerce cette montagne sur les humains.