Autoproclamé depuis 1991, le Somaliland pourrait être vu comme un havre de paix en Afrique. On ne le voit que sur quelques cartes, tout simplement parce qu’il n’est pas reconnu par la communauté internationale. Mais l’envoyé spécial du Monde a pu enregistrer son hymne national ! La capitale Hargeisa, 3,5 millions d’habitants, est à 850 km de Mogadiscio qui ne lui ressemble en rien.
Interrogez un autochtone : le Somaliland n’a rien à voir avec la Somalie.Ici, on discute dans la rue des élections. Là, de l’autre côté de la frontière, en Somalie, on est en guerre perpétuelle. Milices islamistes et mafias entretiennent le chaos malgré les tentatives répétées de l’ONU depuis 1992 de réguler la vie de cet Etat « le plus corrompu du monde ».
Comment faire la géographie d’un pays qui n’existe pas pour la communauté internationale ? En fouillant dans l’histoire de ce protectorat britannique qui s’allie à la Somalie dès son indépendance ? Le mariage entre les deux va vite s’avérer être une tromperie. La guérilla démarre en 1979 avec le soutien d’une diaspora basée à Londres, parvenant à s’emparer, avec une armée de libération, de la ville d’Hargeisa en 1988. Humilié, le président somalien, Siad Barré, fait raser la ville. Bilan : 50 000 morts et près de 250 000 réfugiés.
La roue tourne et 13 ans plus tard, l’agresseur Siad Barré est contraint à l’exil. C’est l’heure que choisissent les opposants pour divorcer et construire un nouveau pays, le Somaliland, sur un champ de ruines. Les sultans et chefs issaks (ethnie majoritaire) demandent pardon aux gadaboursi, l’autre ethnie du Somaliland. La république sera démocratique avec une gouvernance inspirée par la common law anglaise et l’autorité des anciens (gurtis). Sans aucune aide extérieure, le pays entreprend des élections calmes qui ont donné déjà quatre présidents. Il y eut quelques incidents aux municipales de 2012, mais rien à voir avec les pays voisins qui s’enfoncent dans le chaos et la dictature.
De quoi vit-on ici ? De l’élevage (et notamment de l’exportation du bétail) et un peu d’agriculture. Tous les biens de consommation courante (sauf l’alcool) viennent d’Europe où la diaspora londonienne est très active. Sans monnaie convertible, les achats sont spartiates car les billets sont calculés… au poids !
Les postes de dépense de l’Etat sont l’éducation et la sécurité car les montagnes sont infestées de groupes terroristes des pays voisins. La population tente de militer contre l’islamisme radical, la tentation de la piraterie maritime. L’autre pari est celui de l’éducation : enseignement primaire gratuit, salaire des professeurs doublé. Mais ce n’est pas suffisant : les jeunes diplômés des 16 universités du pays partent en Europe.
Vingt ans que les dirigeants attendent la reconnaissance internationale, déjà accordée par le voisin éthiopien. Pour quoi faire ? Signer des contrats avec des multinationales, obtenir des prêts du FMI. L’ONU a ouvert un bureau. Un signe ? Possible, car le pays est sur un espace stratégique important dans le monde. Comment solder le passé avec la Somalie quand on ne sait pas avec lequel des 27 chefs de guerre il faut négocier ? Et que faudrait-il négocier ? La réunification ? Pas question, côté Somaliland.
L’Union africaine n’est pas prête à accepter une indépendance. Pour éviter l’effet de dominos qu’elle ne manquerait pas de provoquer en Afrique qui serait en voie de balkanisation. Pourtant, le Sud-Soudan a bien été reconnu en 2011… Le casse-tête se poursuit en attendant la prochaine assemblée générales des Nations unies à New York, à l’automne.
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Source : Carnets d’Afrique Blog LeMonde.fr