Chasses magiques: le quai Branly s’associe à la grotte Chauvet


Chasser semble, d’après les découvertes archéologiques, être l’une des activités premières de l’espèce humaine, l’une des plus anciennes. Elle est vitale et plonge ses racines dans la nuit des temps: l’Homme est un chasseur… Encore aujourd’hui, y compris dans les pays industrialisés, nombreux sont les rites et coutumes liés à la chasse. Rites sanglants comme la chasse à courre, ou la corrida, qui défrayent la chronique, ou coutumes liées au retour de la chasse.

Actuellement, la chasse n’a pas la cote: on assimile les chasseurs à des rustres avinés qui tirent sur tout ce qui bouge par dépit de ne pas avoir trouvé le bon gibier. C’est pour le moins caricatural…

Mais paradoxalement, avec la recherche d’une nourriture saine et naturelle, la chasse reprend… du poil de la bête, si l’on pardonne l’expression.

Un chasseur des îles Mentawai
Photo: Jean-Philippe Soule, 2004

D’activité vilipendée et dénigrée par certains défenseurs de la Nature, elle redevient une sorte de loisir noble, capable de nous rapprocher de cette même Nature. Nous ne sommes pas à une contradiction près.

Les chasseurs ne sont pas partout identiques, même s’ils partagent certainement certaines compétences. D’une certaine manière, tout comme la danse, la chasse fait partie des activités archaïques encore accessibles dans nos sociétés si techniques par ailleurs. Elles nous questionnent sur le rapport que nous entretenons avec l’environnement naturel et la place que nous y tenons.

L’objet de la semaine est un trophée de chasse venu des îles Mentawai, en Indonésie. La population de ces îles est constituée de chasseurs, shamans qui vivent à l’écart des grandes religions d’État de l’Indonésie. Ces religions essaient cependant de mettre la main sur la population des îles, notamment par le biais de l’éducation. Cela engendre une acculturation et des conflits nombreux. Parmi les activités essentielles de ces populations, se trouve la chasse, entourée de nombreux rites.

Comme dans la plupart des cultures traditionnelles, l’ensemble des actes de la vie quotidienne se rattache de près ou de loin à certaines formes du sacré. Tout est lié. Les animaux font partie intégrante de cet univers, ils ne sont pas simplement des victimes. Ce sont des acteurs à part entière, avec leurs qualités et leur dignité propre. Respecter un animal ne signifie pas que l’on ne le tuera pas. C’est souvent une sorte de contrat entre le chasseur et l’animal chassé.

Le cerf est un animal hautement symbolique, en raison de ses cornes et de l’allure générale de l’animal. On le retrouve aussi bien en Europe qu’ici, en Indonésie. Il fait partie des symboles animaux les plus anciens, connu depuis le paléolithique en Europe. On le rattache aussi bien au « roi des animaux » qu’à des êtres célestes, voire divins.

Le Cerf ailé du roi Charles VI

Le « shamanisme » est un mot écran, très insuffisant pour décrire une réalité matérielle et spirituelle d’une très grande complexité. Tout comme l’animisme, ce sont des catégories commodes mais qui dissimulent souvent la réalité des rapports entre objets dans un monde où tout communique. Le shinto japonais par exemple contient des conceptions de la réalité d’une très grande richesse. Nous somme très loin de conceptions « primitives », ou « enfantines ». Il faut revoir ses préjugés…

L’objet présenté ici, un trophée de chasse, est d’une très grande qualité esthétique. Comment pourrait-on prétendre avoir affaire à une quelconque tribu « primitive »? C’est au contraire la sophistication qui semble l’emporter…

L’exposition présentée au château de Vogüé permet de faire des comparaisons fructueuses avec différentes cultures.

Tête de cerf avec un motif de type « tumpal » sur le front. 20e siècle. Bois, corne, métal (étain). 32,4 x 54 x 11,5 cm ; 895 g. Mentawai (archipel) © musée du quai Branly, photo Claude Germain

« Chasses Magiques, Les arts premiers » dialoguent avec La Grotte Chauvet en Ardèche, présentée au Château de Vogüé du 02 juillet au 03 novembre 2013


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