L’Alsace amoureuse des cigognes


Dans la communication que fabriquent les régions en France sur elles, il y en a une qui échappe à la raison : l’attachement de l’Alsace à un oiseau de haut vol, la cigogne. Le bec de ce bel oiseau qu’on ne mange plus depuis le XVIIe siècle est parfois associé à la pointe de la cathédrale de Strasbourg. On en vient à se demander pourquoi, dans ce plat pays rhénan cerné par les lignes bleues des Vosges et noires de la forêt éponyme, on attache à ce point de l’importance à cette symbolique.

En tout cas, la passion alsacienne pour les cigognes ne se dément pas. La région abrite 700 couples aujourd’hui, on dit que c’est un record dans l’histoire. C’est fort possible lorsqu’on sait que plus on abîme l’environnement (et l’Alsace est assez en pointe avec la maïsiculture et ses effets délétères sur les sols), plus on « protège » comme si on confiait sa culpabilité à des mascottes.

Les cigognes et le tourisme en Alsace

Car les cigognes sont partout chez elles en Alsace. Depuis qu’elles ont été sédentarisées, elles se juchent sur les cheminées, les toits et les clochers comme en famille. La seule ville de Munster (5 000 habitants) compte 25 couples de cigognes ! Un record ? Peut-être, mais c’est surtout le résultat d’une politique active de réintroduction de la faune sauvage et de la cigogne qui a commencé en 1974 lorsqu’on ne comptait à l’époque plus que 9 couples dans la région contre 148 quinze ans plus tôt. On incriminait les lignes à haute tension, les sécheresses au Sahel qui amoindrissaient le nombre de celles qui revenaient, leur ôtait la forme qu’elle étaient censées retrouver l’hiver au sud du Sahara. Et malchance, l’artificialisation de l’agriculture alsacienne privait les oiseaux des musaraignes, souris et autres victimes qui auraient pu les nourrir.

La méthode forte a-t-elle été la bonne ? En favorisant la reproduction en enclos et le confinement des migrateurs sous filets pour qu’ils perdent leur instinct voyageur ont permis de garder les cigognes en novembre alors qu’elles partent d’habitude fin août. Les bébés cigognes nés en captivité gardent leurs instincts migrateurs, sont équipés de balises Argos et de systèmes les empêchant de se poser sur des pylônes EDF. Les deux tiers des cigognes alsaciennes migrent et reviennent adultes, plutôt en bonne santé, trois ans après.

Une association et un réseau de villes et villages financent des opérations de sécurisation des  nids, notamment lorsque ceux-ci gênent les cheminées. Effets négatifs de ces soins ? Certaines cigognes ne savent plus se nourrir seules, ne savent plus chasser les rongeurs. Certains élus claquent du bec devant les nuisances et les coûts, en se consolant du service qu’elles rendent au tourisme (village spécialisé comme Oberbronn qui possède un vrai cigogneland ou parc de l’Orangeraie à Strasbourg et son allée de la Robertsau qui abrite 52 nids faisant la joie des chasseurs d’images mais alimente la plainte du zoo proche que les volatiles dévalisent…)

On touche là les limites de l’artificialisation de la vie animale. Mais on attend les calculs savants sur ce que les cigognes rapportent à l’Alsace en terme d’image positive au tourisme. Et cela pèsera combien dans la balance ?


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