Andersen au Vietnam. Un spectacle au musée du quai Branly du 26 au 30 décembre 2013.
Après le succès du spectacle Le Maître des marionnettes, relecture d’un spectacle de marionnettes sur l’eau du Vietnam par le metteur en scène Dominique Pitoiset, présenté au musée du quai Branly en 2012, le musée propose un voyage retour pour les fêtes : le metteur en scène Ngô Quynh Giao adapte, pour les marionnettes du Théâtre de Hanoi, trois des célèbres contes d’Andersen qui font partie de l’imaginaire collectif européen, sur une musique composée par Henry Torgue.
Dans l’eau, neuf marionnettistes actionnent et donnent vie, suivant les techniques traditionnelles, à des marionnettes créées pour le spectacle et inspirées des personnages d’Hans Christian Andersen revus à la mode vietnamienne : « L’intrépide soldat de plomb, Le vilain petit canard, et La petite sirène ».
Les spectacles de marionnettes laissent penser qu’ils concernent seulement les enfants, ou encore qu’il s’agit de quelque chose de naïf et de simpliste. Mais en réalité, ces spectacles plongent leurs racines dans une histoire très ancienne, mythique, et les marionnettes expriment un rapport au monde qui n’a cessé de fasciner. Comme le soulignait Hegel dans son Esthétique, plus un art est stylisé, plus il est symbolique, plus il est puissant. Si l’on songe au cinéma, les films muets de Murnau par exemple sont d’une force incroyable alors que les moyens techniques étaient dérisoires et les effets très proches du théâtre.
Pourtant, face à la débauche d’images de synthèse des films actuels, on peut s’interroger sur leur force d’évocation. En général, les cinéastes sont obligés de surenchérir pour surprendre un public submergé d’images mais qui ne possèdent aucune profondeur: une certaine pornographie artistique, qui montre absolument tout et ainsi détruit toute chance pour le public d’imaginer par lui-même. Le jeu vidéo finit de confisquer cet imaginaire à des fins d’addiction et de consommation. En revanche, toujours dans le cinéma, un film comme Alien est un chef-d’œuvre car il évoque plus qu’il ne montre et ce faisant, la puissance dramatique en est décuplée. Un bon théâtre d’ombre vaut mieux que tous les derniers Star Wars, truffés d’effets mais vite vieillis.
Antonin Artaud, pour ne citer que lui, a écrit des pages célèbres sur le théâtre de marionnettes dans son ouvrage le Théâtre et son double. C’était une première confrontation avec des cultures fort éloignées, au moins géographiquement, des nôtres.
Lorsque nous utilisons les images comme puppet master ou « celui qui tire les ficelles », que faisons-nous d’autres sinon faire référence à ce que les marionnettes expriment clairement, à savoir que beaucoup de nos actions nous échappent et que finalement nous sommes peut être plus agis que nous n’agissons nous-mêmes de manière libre? Le destin agit sur scène, et pourtant l’histoire ouvre tous les possibles. C’est pour cette raison que c’est si captivant, pour tout le monde, pas que les petits.
Le spectacle du quai Branly a ceci d’original qu’il mêle deux cultures différentes: les contes du Danois Hans Christian Andersen et le théâtre sur l’eau vietnamien de Hanoï.
Le résultat est éblouissant et d’une grande beauté.
Conception du projet : Ngô Quynh Giao et Jean-Luc Larguier
Mise en scène : Ngô Quynh Giao et Nguyen Tien Dung
Création et sculpture des marionnettes : Ngô Quynh Giao
Création musicale : Henry Torgue
Création lumière : Christophe Pitoiset
© François Carlet Soulages – Agence NOI Hanoi pour Interarts