Il y a quinze ans, une équipe de chercheurs géographes sous la bannière d’un acronyme célèbre (MIT, mazette) publiait un livre à charge contre d’autres géographes accusés de pleurnicher sur les dégâts du tourisme. Oyez, bonnes gens, les touristes – que vous cherchez tous à éviter – sont des gens formidables : oui, ils ont le droit de lire L’Equipe à l’ombre des colonnes du Parthénon ! Oui, s’ils réclament un steack frites au Viêtnam, où est le mal ? Et s’ils venaient à skier en Nouvelle-Zélande au mois d’août, pourquoi chercher des poux dans leur bilan carbone ? Du coup, les MIT boys and girls enfourchèrent comme les GO du Club Med le dada des belles intentions touristiques. Qui sait si les colloques n’étaient pas financés par des entreprises bienveillantes et des consultants aux ponts d’or ?
Eh bien, aujourd’hui, le vent de la révolte contre les bons sentiments se lève depuis l’Afrique du Sud d’où nous parvient la nouvelle de l’existence d’un faux bidonville de luxe. A Bloemfontein, une chaîne hôtelière montre son cynisme le plus abject en ouvrant aux gogos et aux imbéciles une résidence de très mauvais goût. Avec 80 euros la nuit, ils peuvent participer au business de la pauvreté en passant la nuit dans un faux bidonville. 80 euros, c’est le revenu médian mensuel d’un travailleur domestique sud-africain.
L’insulte va jusqu’à singer les cabanes avec la tôle, l’éclairage à la bougie, les toilettes (sans crasse, cela va de soi). Bienvenue au « Shanty town » (bidonville en français) où tout est prévu pour vous immerger dans ce lieu infâme qui se targue d’être « le seul bidonville au monde équipé de chauffage au sol et d’un accès wifi ».
La toile s’est emparée du scandale depuis quelques semaines contre ce « camping glamour »,pour reprendre les mots de Stephen Colbert. Un lieu qui rappelle l’apartheid pour la presse sud-africaine. La chaîne hôtelière en a rajouté dans la crasse du raisonnement : « L’idée était au contraire de susciter l’empathie envers les millions de personnes qui vivent dans ces conditions. »
Aucun autochtone ne viendrait polluer la tranquillité des touristes car il est bien connu que, dans les « vrais » bidonvilles, on a de la place, une vie de farniente et du bonheur à être pauvre. Pauvres touristes « disneylandisés », vous perdez le nord ! Quant aux chercheurs, s’il vous plaît, un supplément d’âme dans vos travaux…