A travers les mythes, apparaissent les explications du monde, de sa création, de la vie, des origines de la société et de son organisation primitive ainsi que les grandes structures du cosmos car les mythes répondent aux questions fondamentales qui, de toute éternité, taraudent l’esprit des hommes.
Les contes, comme celui de Chine précédemment relaté, sont une source non négligeable de renseignements culturels, sociaux, religieux et autres relativement aux valeurs attribuées à la nature et aux ressources – et tout spécialement à l’eau – par les communautés humaines les plus diverses. Souvent pédagogiques, ils visent à inculquer le respect de l’environnement – parfois de manière elliptique voire ésotérique. Il en est de même de certaines fêtes et de certaines cérémonies où l’eau tient la vedette.
Ainsi, au pays du Soleil Levant, on célèbre l’eau à travers de très nombreux festivals. Les plus fameux – considérés officiellement comme monuments du folklore national comme celui du sanctuaire d’Izawa-no-miya ou celui de Sumiyoshi Taisha à Osaka – sont consacrés aux rizières sacrées, au repiquage… Le Japon fête aussi traditionnellement en juillet l’éradication, à la fin du XIXe siècle, du choléra, une maladie hydrique. On célèbre également le festival de l’eau de Miya le 5 octobre et on honore le temple de Nishimiya afin que son puits fournisse une excellente eau pour faire… du saké ! Le 20 juillet est le jour où l’on fête avec des danses, des chants et des pièces de théâtre, l’Océan ainsi que la rivière Mogami et, à cette occasion, les enfants arrosent les passants avec des pistolets à eau en signe de bénédiction et d’amour. Il faudrait, pour montrer la richesse de ces célébrations, citer aussi le festival de la rivière Abe ainsi que la cérémonie d’Omizutori dans le temple de Todaiji. Celle-ci a lieu à Unose, au beau milieu de la rivière Onniu dont le nom évoque étymologiquement l’élixir car on offre de l’eau – symbole d’éternité – aux dieux.
On a donc beau être au pays de la high-tech et de l’informatique de pointe, la célébration de l’eau reste vivace dans la culture et l’imaginaire communs nippons. Pour toutes les sociétés, les mythes apparaissent comme nécessaires. Georges Dumézil a pu écrire :« Un peuple sans mythe mourrait de froid ».
Quant aux Vietnamiens, ils disent que leurs ancêtres descendent du dragon, un animal généralement associé à l’eau. C’est ainsi que le Mékong – qui se déverse dans son delta par neuf bouches ou « neuf queues de dragon » – porte, en vietnamien le nom de Cuu Long ou les Neuf Dragons. Une vénération particulière entoure ce fleuve mythique – né dans les neiges du Tibet et qui a vu prospérer l’Empire de Siam – qui achève sa course de plus de 4000 km au Vietnam en le gratifiant de ses millions de tonnes de limon en provenance de Chine, de Myanmar, de la Thaïlande, du Laos et du Cambodge. C’est le Mékong qui rythme la vie des communautés qui vivent sur ses bords signalant par ses crues le moment où il faut s’occuper de la rizière et ceux où il faut plutôt pêcher le poisson. Les Vietnamiens – dont un grand nombre vit sur des maisons flottantes – lui sont reconnaissants de fournir trois mannes : le riz, le poisson et ces innombrables fruits qui donnent cette couleur et cet aspect si caractéristiques aux marchés flottants de Cai Rang, de Phung Hiep, de Can Tho, de Chau Doc…
L’eau joue un rôle fondamental dans l’imaginaire, les perceptions et la culture du Vietnam tant pour l’ethnie majoritaire que pour la cinquantaine de minorités – pour ne rien dire de l’économie. Les fêtes traditionnelles de la première ethnie du pays sont organisées autour de courses de bateaux comme à Hong Kong ou Macao où ces régates revêtent un grand luxe et mobilisent d’importants moyens. La publicité va même jusqu’à en faire un produit pour séduire les touristes !
De plus, les peuples Moïs des hauts plateaux vietnamiens utilisent un « carillon hydraulique » disposé à proximité des rizières pour charmer les génies tutélaires du riz et solliciter une bonne récolte en appliquant une technique d’irrigation. Eloquente matérialisation de la notion d’idéologie et d’un système de représentations mentales explicatives du monde !
Enfin, comme la riziculture – qui ne se conçoit pas sans beaucoup d’eau – est la caractéristique du Vietnam, toutes les fêtes sont prétextes à des prières pour l’eau. Dans le panthéon vietnamien, le génie de l’agriculture et la déesse des eaux tiennent une place considérable et président à toutes les fêtes. Leur culte est fort populaire.
Pour la religion juive, Soukkot (Fête des Cabanes) est la fête de l’eau (maïm), plus précisément de la pluie, alors qu’à Pessah (Fête de la Pâque), c’est la rosée (tal) que l’on célèbre. Ces fêtes « offrent de véritables anthologies de l’eau » écrit Patricia Hidiroglou car « le geste de l’eau qui y est exprimé permet de rappeler sous forme synthétique ou allusive les épisodes héroïques du passé d’Israël et d’envisager son avenir eschatologique : tout ce qui s’apparente à l’eau et à son cycle dans la Bible et les commentaires y est suggéré… (37) » d’autant que Dieu fit le premier homme en mélangeant l’eau à de la terre.
Lorsque le Temple existait encore à Jérusalem, la joie de la libation d’eau était la manifestation la plus grandiose et la plus joyeuse de la fête de Soukkot. On disait de cette cérémonie : « Celui qui n’a pas vu la Joie de la libation d’eau n’a pas connu la joie » car l’eau est le symbole terrestre de la parole divine, c’est elle qui donne la vie tant au niveau des individus que pour toute la communauté des juifs. Cette symbolique est illustrée par la fête de Chavouat, la fête du don de la Torah. Dans les communautés juives du Maroc, on s’asperge mutuellement d’eau ce jour-là : on serait en présence d’une ancienne pratique païenne remontant à Babylone.
– Carlos Garcia Gual, « Les mythes classiques », Pour la Science, nº 167, septembre 1991, p.70-80.Paris, 2003
-Patricia Hidiroglou, « L’eau divine et sa symbolique », Albin Michel, Paris, 1994
Source : http://www.institut.veolia.org/