Quand les Anglais font la géographie de la France, voici ce que cela donne. Je pars de l’adresse d’un article très consulté (la nouvelle mesure de la notoriété, comme les zamis sur Facebook, n’est-ce pas?) sur voxeu.org, « le plus intéressant des sites européens de débat économique » pour J.-M. Vittori. L’article qu’ils ont le plus consulté ici est pour le moins problématique. Il s’agit de voir le lien entre la localisation comparées des villes en France et en Angleterre au Moyen Age et les « blocages actuels » de la France. Puisqu’il s’agit de géographie, allons-y voir
Un constat simple : les Anglais bâtissent leurs villes au bord des fleuves, les Français sur les ruines romaines. La conclusion paraît sans appel : « La centralisation du pouvoir débouche sur une aberration économique. Comme aujourd’hui. » Avec l’idée qu’il peut évidemment paraître « farfelu de s’intéresser à un tel sujet en ces temps d’activité asthénique, de drames sociaux et de tentations populistes. C’est pourtant sans doute nécessaire pour mieux comprendre l’économie. »
Nos historiens anglais ne semblent pas très au fait de ce qui circulait sur les voies romaines : plutôt des troupes que de l’eau, comme ils le prétendent (les aqueducs, c’est fait pour quoi, aurait grincé notre regretté Cassandre ?). Que la marine fluviale ait progressé au Moyen Age au point de fixer les villes au bord de l’eau, rien à redire. Les collègues anglais constatent que les villes médiévales françaises qui sont reconstruites après l’Empire romain ne sont pas sur les cours d’eau comme en Angleterre. En prenant comme exemples Dijon, Chartres et Troyes et en comptant le nombre des villes anglaises et françaises sur d’anciens sites romains. On n’a pas traduit en anglais (à Oxford, me semble-t-il) la Géographie historique de la France du marquis De Planhol pour les Espagnols ! Que les Anglais prennent le temps de lire ce travail pour comprendre que la croissance de Dijon, Troyes et Chartres qui est réelle, est liée à des pouvoirs politiques ou des routes de commerce autrement plus utiles qu’un port fluvial. « Les villes anglaises accessibles par voie d’eau sont favorables à la croissance« . Pas plus que des carrefours bien lotis comme Troyes ou Chartres !
Il faudrait montrer, et pas avec des chiffres qui généralisent des raisonnements, pourquoi des villes comme Paris, Sens, Rouen, Lyon, Strasbourg équipées de ports fluviaux font aussi bien que les villes anglaises. Que l’Angleterre ait une avance en matière de révolution industrielle ne tient pas à cet accès privilégié aux fleuves, mais bien à la maîtrise de l’énergie nouvelle qu’est le charbon et au niveau technique faisant regrouper les ateliers en manufactures.
Le point positif du raisonnement des Anglais est que l’Église a pris le relais de l’Empire en France et construit avec les rois un pouvoir centralisé. Mais de là à conclure à « l’importance des choix de long terme et au coût d’une mauvaise localisation de ville imposé à maintes générations », il y a un pas vite franchi.
On est juste heureux que des économistes sortent un peu de leur tanière et découvrent le rôle de l’espace, des positions (même si on ne s’improvise pas géographe le temps d’un comptage informatisé). Mais pas à n’importe quel prix !
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(1) « Resetting the Urban Network 117-2012 », par Guy Michaels et Ferdinand Rauch, Discussion Paper n° 9760, CEPR, novembre 2013.
Substantifique moëlle, avec cartes, sur voxeu.org