Ukraine: la guerre en Europe?


Les manœuvres autour de et en Ukraine laissent une drôle d’impression. Le fait que le président russe mette en avant l’idée d’intervenir militairement partout où des minorités russophones se trouvent rappelle une autre époque: celle de l’Anschluss nazie du côté de l’Autriche ou de la Tchécoslovaquie… C’était la même logique: faire rentrer dans le giron germain les archipels germanophones disséminés dans toute l’Europe, y compris dans l’Union soviétique d’alors.

Les déplacements de population de l’après Yalta, dans l’immédiat après-guerre, parmi les plus importants de l’Histoire, avaient engendré un « tri » des populations et des regroupements quasi ethniques. Les Allemands avaient amorcé un « retour » dans la nouvelle mère partie occupée alors que beaucoup d’entre eux voire tous n’avaient jamais connu l’Allemagne, républicaine, nazie ou vaincue.

Que se passe-t-il en Ukraine? Son dépeçage par la Russie ressemble à ces opérations de « regroupement » au nom de la défense des populations russophones. Mais bien entendu, les intérêts économiques et stratégiques se mêlent aux envolées nationalistes. L’Ukraine a été secouée, depuis la fin de la guerre froide, par toute une série de crises politiques et des velléités autoritaires mâtinées d’une corruption endémique. La population se cherche.

Où se situe l’Ukraine? Est-ce un vrai pays, doté d’une vraie histoire? Qu’est-ce que ces questions signifient pour les divers groupes en lutte les uns contre les autres à présent? Le territoire de l’Ukraine actuelle a été si durement éprouvé tout au long du XXe siècle! Avec la Pologne, l’Ukraine fait sans doute partie des pays martyrs de l’Europe, même si d’autres pays ont aussi beaucoup souffert.

Quant à la Russie, c’est visiblement la logique d’empire qui prévaut, avec un Poutine méprisant vis à vis de dirigeants européens sans courage et, dans sa vision, corruptibles à merci. Or, l’Europe diplomatique n’existe quasiment pas, sans parler de l’Europe militaire. L’arme économique est comme une épée en carton face à un pays réellement belliciste. Cela aussi ressemble fort à l’Europe de Munich. Ce « lâche soulagement » au moment où les pays de la Société des Nations abandonnaient à leur sort plusieurs pays privés de la force militaire nécessaire pour résister à l’avancée nazie. Hitler savait bien que ces pays étaient faibles. Poutine n’est pas Hitler, mais les logiques nationalistes se ressemblent et se rejoignent.

La guerre pourrait-elle revenir en Europe? Ce spectre, agité mainte fois pendant la guerre froide, avec régulièrement dans la grande presse les scénarios de l’ »invasion russe », revient aujourd’hui par l’est. Notre Europe, si fière de sa réussite économique mais si injuste, si peu sociale et tellement incapable de défendre des valeurs communes, s’enlise dans ses propres contradictions, pour le plus grand plaisir de notre voisin russe.

Et pour l’heure, l’Ukraine connaît ce qui ressemble à une guerre civile. Sur place, on parle de « fascistes » pour conspuer l’adversaire. Comme quoi, les références au passé structurent les rapports de force présents. Jusqu’à quel point?

Ci-dessus: une image des troubles de janvier 2014. Un manifestant pro-européen à Kiev. Rob Stothard / Getty Images


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