Corps féminins mondialisés (attention, coeurs sensibles, zappez)


Des cellules souches (source : EPFL)

A quand la géographie de la procréation assistée ? Car cette industrie est née il y a vingt cinq ans aux Etats-Unis a très vite décollé. Les cliniques de la fertilité, les banques de sperme et d’ovules qu’on localisait surtout en Californie sont maintenant partout. Comme pour la délocalisation du travail des manufactures passé des pays riches aux pays en développement. Pourquoi cette migration ?

Parce que le prix élevé des ovules étatsuniennes devient inaccessible pour des couples qui font jouer la concurrence… Des pays au sud de l’Europe (Espagne, Chypre)  sont vantés ici ou là pour la « qualité » de leurs banques d’ovocytes qui ont été prélevées en Europe de l’Est. D’autres pays, plus au Sud encore, comme l’Inde ou la Thaïlande, se spécialisent dans la gestation pour autrui. Des mères porteuses low cost… selon la sociologue professeure à l’université de Montréal,  Céline Lafontaine, auteure du Corps-marché (Seuil).

Un nombre non négligeable de couples cherchant les enfants leur ressemblant ne veulent pas prendre le risque d’un enfant aux traits exotiques. D’où un marché de cliniques de fertilité avec services de haut standard technoscientifiques alimentées par des jeunes femmes en bonne santé, offrant leurs corps à faible coût, que l’on trouve surtout en Asie.

Ainsi, la clinique Delhi IVF Fertility Research Center ne se gêne pas pour annoncer sur son site internet qu’une mère porteuse indienne est moins chère qu’une Américaine. 20 000 dollars pour la première, plus du double pour la seconde…

On a donc affaire à une logique globalisée de la sous-traitance de travail de reproduction humaine. L’Inde est en passe de devenir une plaque tournante de la gestation pour autrui car elle détourne les surplus d »ovules dans les cliniques pratiquant la fécondation in vitro vers la recherche sur les cellules souches. C’est un modèle qui est orchestré par l’Etat indien pour la médecine régénératrice et qui montre les enjeux de la bioéconomie des cellules souches embryonnaires. Une bioéconomie théorisée par l’Américain d’origine roumaine, Nicholas Georgescu-Roegen, vulgarisée par les altermondialistes et étudiée attentivement à Bruxelles et à l’OCDE.

Ainsi, pour Céline Lafontaine, la « productivité du corps féminin » est en train d’évoluer. Les cellules provenant de foetus avortés, du placenta, du cordon et même du sang, ainsi que « les tissus reproductifs possèdent désormais une valeur productive« . Cette marchandisation du corps humain et, notamment, féminin, « en pièces détachées (tissus, cellules souches, embryons, reins, gamètes…) » est désormais une réalité.

 

 

 

 

 


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