Sivens, un barrage pour rien


Un mort, et bien des violences à l’encontre des occupants de la « Zone A Défendre » de Sivens, dans le Tarn. Voilà le résultat d’une « montée en violence » qui a été dénoncée par la presse et largement amplifiée depuis. Au-delà des conséquences politiques de ces événements, reste finalement un mouvement écologiste contestataire qui existe depuis des décennies en France. Il s’est en effet renouvelé avec les générations, mais le fonds reste le même.

Une image tirée de la bande dessinée le Vaisseau de Pierre, de Christin et Bilal, 1976

Depuis le Larzac, ou encore Creys-Malville, et tant d’autres manifestations, on a l’impression que rien ne change, et qu’il s’agit toujours du pot de terre et du pot de fer: manifestants « hirsutes » contre « forces de l’ordre ». Cela fait déjà penser aux bandes dessinées de Christin et Bilal qui mettaient en scène ces problématiques contestataires. C’était dans les années 1970…

Au fond, la question posée, peut être maladroitement, par les opposants, est « quel modèle de société voulons-nous? » Et la réponse fournie par l’Etat, comme souvent, sinon toujours, est fidèle à une certaine… Raison d’État: on se drape dans la légitimité démocratique pour imposer des projets soit inadaptés, soit dépassés, soit répondant peut être aux besoins d’une majorité, mais si cette majorité se trompe?

La « retenue » de Sivens. Source: Le monde

Comme dans le cas de Notre Dame des Landes, le barrage de Sivens s’avère inadapté, voire inutile. Surtout, il servirait à satisfaire des besoins en irrigation pour les paysans locaux, mais selon quel modèle agricole? Le modèle productiviste bien sûr… Le « toujours plus » qui se fait au détriment de la « Nature ». Nature fantasmée ou non, Nature instrumentalisé, mais Nature malmenée… Les écologistes politiques appellent souvent nature ce qui est déjà l’oeuvre des hommes, mais souvent une oeuvre accomplie bien avant l’industrialisation.

Que protège-ton au juste dans ce genre d’affrontement? Une sorte d’utopie sociale qui se heurte de front au fameux « réalisme »? Ce réalisme qui fait expulser les peuples autochtones, raser des villes en Chine pour construire des barrages, araser des forêts anciennes, démolir des bâtiments anciens. Tout cela au nom du développement bien sûr. Tout le monde a besoin d’énergie, de ressources, de matières premières. Et l’appât du gain prend largement le dessus. L’hypocrisie fait le reste, car qui se soucie vraiment de ceux qui subissent de plein fouet ces aménagements? On est content d’acheter son téléphone et on pense à peine aux conditions dans lesquelles il a été produit: c’est si loin…

Cela semble même monotone de seriner cela, mais en effet, alors que tous les penseurs critiques de la logique industrielle ont écrit des livres puissants, citons en vrac: Ivan Illich, Jean Baudrillard, Herbert Marcuse, Guy Debord, pour ne citer que les plus connus, RIEN ne semble avoir changé. Tout au contraire, on en rajoute et la façon de penser des décideurs et aménageurs n’a pas bougé d’un iota. Le Développement et la Croissance sont l’alpha et l’oméga de la pensée politique actuelle. La trinité est complète avec l’Emploi. On justifie tout au nom de cette fausse trinité.

Parce que la logique industrielle est plus puissante que tout, qu’elle emporte tout, ceux qui osent contester cet ordre des choses passent pour des imbéciles ou de doux rêveurs. Ou, pire encore, de dangereux criminels, antisociaux! On croit rêver.

L’écologie politique doit cependant être passée au crible de la géographie culturelle. Car notre rapport à la « Nature » est complexe et ambiguë. Cependant, on voit bien que les manifestants de Sivens posent des questions insupportables pour certains. C’est aussi pour cette raison qu’ils subissent des violences hors de proportion par rapport aux enjeux réels. Quand cela changera-t-il?

Ci-dessus: les travaux du barrage. Source: MAXPPP, Europe 1


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