Zee-town (Californie), la ville utopique de Facebook


Zuckerberg devisant sur Zee Town

Devenu le café du commerce planétaire, Facebook  et son boss rêvent de faire le bonheur de leurs employés au bord de la baie de San Francisco à Menlo Park où ils se sont installés en 2011. Une agglomération de 90 hectares pour loger 10 000 salariés cocoonnés par de brillants architectes managés par Franck Gehry. Ici, ce ne sont pas les ministres du logement qui décident d’un budget pharaonique (jugé irréaliste par beaucoup, mais puisqu’une chose existe aux Etats-Unis quand on connaît son prix, soit 177 milliards de dollars(1).

Les géographes qui phosphorent sur les utopies (bientôt un festival de géographie à Saint-Dié, en octobre 2015) n’éviteront pas les questions les plus terre à terre : est-ce bien utile à l’entreprise ? Est-ce que le temps de travail sera « optimisé » ? Car en Californie, on ne badine pas avec le time is money. Apple proposait  récemment aux employées de congeler leurs ovocytes pour pouvoir procréer lorsque l’entreprise aura dégagé du temps dans leur carrière. Assez déprimant, comme idée, mais peut-être le début d’une chaîne de décisions qui pourrait concerner les enfants (optimiser leur temps de travail scolaire), les vieux parents des Facebookiens (optimiser leur temps de retraite), etc.

Dans ce futur paradisiaque du sovkhoze Zee-town, pas de mauvaise rencontre, des datchas – euh, des villas – pour les cadres comme il y eut dans les villes utopiques des maisons du patron ou du propriétaire. Des dortoirs pour les stagiaires (c’est bon pour la procréation).

La future Zee Town, intra muros

Un terrain de 22 ha a déjà été acquis juste en face du siège de l’entreprise destiné à être le coeur de l’agglomération qui sera quatre fois plus vaste.  Les employés ont été interrogés, « on sait ce qu’ils veulent » jure, sans rire John Tenanes qui s’occupe des programmes immobiliers chez Facebook. Rien de nouveau pourtant dans la liste prévue : « hôtels, commerces, routes, infrastructures de loisirs ». Il n’est pas prévu un camp de clandestins chicanos. La consigne donnée aux architectes : une ville verdoyante (nous sommes ici en climat méditerranéen où le vert ne pousse qu’avec de l’eau). Pas d’imagination débordante. Facebook Town ne sera pas révolutionnaire.

Une utopie de Claude-Nicolas Ledoux (XVIIIe siècle)

Question délicate : Zuckie  habitera-t-il parmi les siens ? Lui qui occupe déjà un joli manoir cerné de maisons qu’il a acquises aussi pour éviter l’espionnage. Peu probable que Mark s’abaisse à vivre dans ce joyeux familistère. Les villes utopiques sont vieilles comme le monde, depuis Babel et même avant. Sans remonter, pour la France à Richelieu (Indre-et-Loire) ou Arc-et-Senans (Doubs, ci-contre), on citera Zlin (Moravie) construite par Tomàs Bat’a, patron du très connu chausseur Bata, Port Sunlight (Royaume-Uni) de William Lever, célèbre lessivier.

On n’ose imaginer ce qu’aurait été une Zee-town confiée à Jules Verne.

 

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(1) Irréaliste. 177 milliards divisé par 10 000 : 17,7 millions par famille ! D’où le grincement d’internautes imaginant que la sécurité est complétée par des porte-avons nucléaires mouillant dans la baie de San Francisco.

Source des données : Bizjournal

 


Une réponse à “Zee-town (Californie), la ville utopique de Facebook”

  1. Géographie, ou « phi » du géographe.
    Comprendre et expliquer le monde sont deux concepts totalement différents. L’un fait appel à une volonté de satisfaire sa curiosité personnelle et de nourrir ses neurones affamés de pensées, l’autre à un désir de communiquer, d’échanger, de faire savoir son savoir. Et pourtant l’un ne va pas sans l’autre, ils se complètent en même temps qu’ils se suivent, s’inversent parfois pour se retrouver. Bref, ils introduisent dans l’intellect des humains un trouble, une difficulté, un goût et un besoin pour la réflexion, comme s’il correspondait à une réelle pulsion fondamentale génératrice de survie.
    C’est ainsi que grâce à leurs utilisations massives, l’humanité a évolué. Nous arrivons très souvent à un paradoxe étonnant de comprendre et d’expliquer le monde sans même réfléchir, presque sans y penser. Comme l’exprimait Charles Darwin, l’acquis ancestral, celui qui nous vient de nos vies antérieures, prend le pas sur nos volontés et nous apprend souvent et bizarrement par nous même ce que notre lucidité ne savait pas nous donner. Le comble étant qu’il nous est impossible, ni de comprendre, ni de vraiment expliquer cette subtilité venue d’on ne sait où.
    Pris dans ce tourbillon neuronal, c’est pourtant à force d’expliquer que l’on finit par comprendre que finalement on ne sait pas. Savoir expliquer sans comprendre est bien souvent une ruse inspirée par le paraître plutôt que par l’être, mais c’est aussi une commodité, une méthode, un moyen masqué de chercher une réponse à une interrogation d’origine.
    S’interroger implique cependant d’élaborer des réponses, de trouver l’explication conforme, adéquate, celle qui fait plaisir par sa luminosité et son comble de logique, comme en sorte, une hystérie de chercheur chanceux qui vient de trouver la petite bête. Défaire le nœud, qui pourtant était serré, crée une satisfaction incommensurable dont on jubile à d’idée de la communiquée à son entourage, qui reste lui totalement insensible, au demeurant, à cette trouvaille concrète et donc beaucoup trop éloignée du virtuel, donc sans appétence, sans intérêt, sans valeur, et par-dessus tout absolument pas ludique.
    Le pendant objectif de la mesure, du centi-métrage exact, de la pesée de joaillier, étant selon toute vraisemblance la démesure, l’explication si rapportant prend alors un biais pas vraiment, ni quantifiable, ni prévisible, très en rapport avec le flou du questionnement. On frôle l’absurde, et c’est bien ici plus le concours d’un Prêtre plutôt que celui d’un Géographe, qu’il va nous falloir requérir pour sortir victorieux de ce tourbillon d’irrationalité.
    Si le « Face-bookisme » ne fait que commencer, la « Face-bookarité » n’a décidément pas fini d’emmener tous les « Face-bookistes » face contre terre, mais, la vraie cette fois, celle qu’on laboure et qu’on engraisse outrageusement pour recueillir à plein rendement le vert dollar américain.
    Bien cordialement
    Pierre Chabat

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