La Grèce que nous aimons ou détestons

Tsipras et Merkel

Parlons un peu de la Grèce. Celle qui hante l’actualité. Que nous connaissons si peu, malgré les centaines de mots grecs que nous utilisons pour nos colloques scientifiques et médicaux.

Que penser du non au référendum grec voulu par Alexis Tsipras ? C’est ici un dynamisme psychopolitique qui a mis en colère une nation toute entière (1), action dangereuse car l’émotion est contagieuse comme Sloterdijk le rappelle en citant une Histoire d’Hérodote (Livre VIII, paragraphe 111). Thémistocle présente une demande de contribution en argent à la population d’Andros. Les habitants refusent. Athènes se dit accompagnée par deux grandes divinités, Persuasion et Nécessité, les Andriens répondent qu’Athènes est protégée par des divinités favorables expliquant leur prospérité, mais qu’eux sont pauvres et sont la patrie de divinités pernicieuses, Pauvreté et Impuissance. Jamais, disent-ils, la puissance d’Athènes ne sera plus forte que leur impuissance… Toute la situation est résumée ici ! Athènes est du côté des pauvres qui exposent leur pauvreté et leur impuissance. La politique consiste à faire du chantage, à se montrer faible pour contraindre l’autre à céder. Comme cela s’est passé pendant la tragédie grecque de l’Eurogroupe (10-13 juillet 2015).

Les Européens ont été bluffés par le culot de Tsipras qui remettait le peuple dans le débat. Ce qui horripile Sloterdijk rappelant, tout de même, qu’au temps de sa splendeur, Athènes était une société esclavagiste (un citoyen libre = une dizaine d’esclaves). Les Grecs ont peu transmis et ont été « ottomanisés ». Notre conception de la démocratie doit plus à la République romaine. Mais il y eut un courant philhellénique aux XVIIIe siècle, inventé par les Allemands, les Anglais et les Français. Hyperion d’Hölderlin, ce sont des affabulations sur la Grèce, qui ont conduit même à penser qu’un roi grec Othon Ier en 1832, originaire de Bavière, aurait pu conduire la Grèce à l’union politique après avoir conquis son indépendance…

Pourquoi Piketty a tout faux en soulignant que l’Allemagne n’a jamais remboursé ses dettes en 1945 ? Car ce sont les Alliés qui ont décidé qu’on ne demanderait rien à l’Allemagne, contrairement à ce qui avait été fait après 1914. Le plan Marshall est surestimé, les Allemands ayant eu le désir de vivre dans un pays dépolitisé et se sortir de la misère. Aujourd’hui, on somme les Allemands d’exercer un pouvoir dont ils ne veulent pas. Le « non » va-t-il conduire au retour des nationalismes ? Pas sûr, mais la monnaie unique qui est le fruit d’une volonté politique, devient un fardeau. Tsipras demande une restructuration de la dette en oubliant qu’elle a déjà eu lieu il y a quelques années, où on a effacé 54% du total ! Thomas Morel explique très bien pourquoi Schäuble veut piloter les privatisations grecques comme cela se fit en Allemagne de l’Est au moment de la réunification.  Mais il oublie de dire que la banque KfW (sorte de Caisse des dépôts allemande) avait gagné en 2008 le surnom de « banque la plus bête du monde » qui avait fait un virement de 300 millions d’euros à Lehman Brothers déjà en faillite… A qui faire confiance ?

Cessons d’abord de voir une nouvelle guerre de religion européenne, protestants froids et rationnels au Nord contre catholiques sentimentaux et velléitaires au Sud. Car après tout, l’Europe qui n’est pas si en forme a pu garder la Grèce alors que les Allemands n’en voulaient plus. Tsipras a compris – et fait comprendre aux Grecs en leur annonçant un « désastre »– qu’il valait mieux pour eux rester dans la zone euro. Cruel aveu d’un Premier ministre devant des caisses vides, des dettes colossales, un Etat inexistant et une économie en miettes (2).

La vraie leçon de la tragédie grecque actuelle est que le référendum est revenu comme un boomerang en Grèce. Le bras d’honneur du référendum n’aura servi à rien devant cette évidence que l’euro donne l’occasion de deux  leçons. Une leçon politique sur la conception erronée de la monnaie unique. Et, pour F. Fressoz, une autre leçon que Schäuble fait aux Grecs : « Faites votre part du chemin ». Merci l’euro ?

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(1) Peter Sloterdijk, Un chantage par la faiblesse, le Point, 9 juillet 2015.
(2) Françoise Fressoz, Le vrai ressort de la tragédie grecque, Le Monde, 17 juillet 2015.


Une réponse à “La Grèce que nous aimons ou détestons”

  1. Issue d’une alchimie géologique naturelle de transformation de la poussière en roche, l’Ardoise est une merveilleuse découverte qui permet de s’abriter des aléas météorologiques. Bien que très résistante à l’agression du temps, l’Ardoise peut néanmoins venir à s’effacer quelque peu devant l’ardeur de l’agression externe, laissant paraitre un brin de porosité. C’est alors la tuile ; oui, le tuile, un autre matériau étanche dont l’assemblage mécanique donne la suite naturelle à la défaillance du premier. S’installe ensuite une espèce de dualité émouvante entre l’Ardoise et la Tuile, jouant l’un de l’autre, leur alternance chevronnée étant vraiment faite pour durer. Il faut s’en féliciter, car en cas de défaillante des deux, l’alternative est simple, dure comme fer, sombre et froide : c’est la tôle. Mais cet autre matière, même ondulée, est pas du tout thermo-isolante, et ne convient pas aux pays chaud trop ensoleillés, elle serait de nature à mettre le feu aux poudres et tout griller. Pas de doute il faut à tout prix revenir bien vite à l’ardoise et tolérer la fuite.

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