Paysages mythiques (1) : la Beauce


Beauce openfieldLa Beauce mythique ? Pour les Français qui l’ont toujours associé à leur capitale. Le poète et philosophe Charles Péguy l’avait chantée à Notre-Dame de Chartres (ci-dessous). Aujourd’hui que le TGV la franchit en quelques instants, les nostalgiques de la randonnée ont tracé un chemin Charles-Péguy de Palaiseau-Lozère à Chartres (visiorando.com).

Par ses habitants, la Beauce est appelée « le grand espace ». Comme un « midwest » français désertique, avec ses ciels autant que ses champs de céréales qu’on peut trouver monotones de la fenêtre du train. Mais si on prend la route du blé au Gué-de-Longroi, et au vieux lavoir couvert sur la Voise, on tombe sur une ancienne ville de foires et de marchés, on devine qu’il y eut des vignes. Le pain et le vin, Péguy y a songé…

La Beauce et ses géants
La Beauce et ses géants

Passée la source, on « entre en plaine » comme dans un autre monde. Le tracé mathématique a quelque chose de violent, les silos à grain sont moches comme des verrues. Les éoliennes sont nommées « cathédrales du vent » ou « chandeliers de la plaine ». Car la Beauce est le pays du vent, comme il y eut des moulins aux grands bras (on en voit encore à Ouarville, Moutiers-en-Beauce, Ymonville qui tournent sur leur cage pour mieux attraper l’énergie). Que mange-t-on dans ces pays ? A Voves, on nous sert du pâté en croûte de Chartres, on termine avec des sablés de Beauce arrosés de limonade « locale » (mais d’où viennent les citrons ?).

Vide, la Beauce ? Vous croiserez quelques tracteurs, des géants subventionnés par l’Union européenne, du gibier, des croix de fer aux carrefours. Les charretiers de Zola, les bergers aux moutons, les bineurs flamands ou bretons, les gardeuses d’oie, tout ce monde a capitulé devant la mécanisation. La vie en Beauce s’est recroquevillée sur ces bastions que sont les fermes, murs aveugles, cours carrées peu accessibles.

Terre ou ciel ?
Terre ou ciel ?

Prenez la route des gentilhommières de Villeprévost (à Tillay-le-Péneux) et Combray (à Germignonville), jusqu’à Orgères, passez devant « l’oiseau-charrue », la maison de la Beauce qui collectionne le folklore du monde ancien comme la vielle. Atteignez les mares aux grenouilles ou aux libellules abandonnées sur une couche de marnes mais protégées par le département d’Eure-et-Loir. A Loigny-la-Bataille, le toponyme parle pour ceux qui sont morts en 1870, en déployant la bannière du Sacré-Coeur de Jésus contre les Prussiens. Y sont morts d’anciens zouaves pontificaux qu’on a comparés aux Macchabées d’Israël. Gloria victis, lit-on sur la pierre : gloire aux vaincus.

Poème de Péguy à Notre-Dame de Chartres

Étoile de la mer voici la lourde nappe Et la profonde houle et l’océan des blés Et la mouvante écume et nos greniers comblés, Voici votre regard sur cette immense chape

Et voici votre voix sur cette lourde plaine Et nos amis absents et nos cœurs dépeuplés, Voici le long de nous nos poings désassemblés Et notre lassitude et notre force pleine.

Étoile du matin, inaccessible reine, Voici que nous marchons vers votre illustre cour, Et voici le plateau de notre pauvre amour, Et voici l’océan de notre immense peine (…).

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale. De loin en loin surnage un chapelet de meules, Rondes comme des tours, opulentes et seules Comme un rang de châteaux sur la barque amirale (…).

Vous nous voyez marcher sur cette route droite, Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents. Sur ce large éventail ouvert à tous les vents La route nationale est notre porte étroite (…).

Un homme de chez nous, de la glèbe féconde A fait jaillir ici d’un seul enlèvement, Et d’une seule source et d’un seul portement, Vers votre assomption la flèche unique au monde.

Tour de David voici votre tour beauceronne. C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté Vers un ciel de clémence et de sérénité, Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

Un homme de chez nous a fait ici jaillir, Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix, Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois, La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.


Une réponse à “Paysages mythiques (1) : la Beauce”

  1. Bonjour,
    Pouvez-vous nous donner l’autorisation de récupérer une de vos photos (la Beauce avec la cathédrale de Chartres en fond) afin de l’utiliser comme bannière pour notre site UCTL de Chartres. C’est une association « Université du temps libre. » et cette photo représente bien notre region et notre cathédrale.
    Merci d’avance de votre réponse.
    Cordialement

    Florence Scholl

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