Qu’est-ce qu’une crue centennale?


La vallée du Loing connaît, au moment où j’écris ces lignes, une crue que l’on peut appeler sans trop de risque de se tromper, une crue centennale, c’est à dire un type de crue « rare » qui survient, comme son nom le laisse entendre, environ tous les siècles. En fait, il s’agit de probabilité: c’est une crue qui a un centième de chance d’apparaître chaque année. La dernière de cette ampleur date de 1910. Juin 2016: voilà une nouvelle crue, comme l’indique le site Vigicrues: « Le niveau du Loing est en hausse sur l’ensemble du tronçon. Il s’agit d’une crue exceptionnelle, supérieure à la crue de 1910. »

La géographie essaie de comprendre le régulier et l’accidentel. Le plus paradoxal est qu’il existe aussi des lois, ou des régularités pour l’accidentel. Geographica a abordé à plusieurs reprises le thème des inondations, surtout pour dénoncer la méconnaissance de ces phénomènes tant par les édiles que les populations, au risque de s’exposer à des dangers graves, comme ce fut le cas à Vaison-la-Romaine en 1992. Les zones inondables sont alors dévastées, et les pertes humaines et matérielles peuvent être élevées. Mais on pense que le danger est pour les autres. Erreur.

Les pluies diluviennes de ces derniers jours ont engendré une vague de crue impressionnante. L’information circule vite et Vigicrue a pu fonctionner correctement. Mais on voit bien comment la nature reste hors de contrôle au-delà d’un certain seuil. On peut alors prévoir le sinistre, mais pas l’empêcher ou l’éviter.

Bien entendu, les crues sont plus violentes en région méditerranéenne que dans le reste du pays, mais les pluies abondantes et concentrées dans le temps, ce qui a été le cas ces derniers jours, ont eu des effets immédiats.

Routes et ponts barrés, arrêtés préfectoraux, portant sur la suspension des cours dans les établissements scolaires, évacuation des populations dans certaines villes dont Nemours, l’alerte est maximale et devrait encore durer quelques jours. Les assureurs doivent aussi être sur les dents car il va y avoir des dégâts.

Les sacs de sable s’accumulent dans les parties menacées et les sirènes de pompiers n’arrêtent pas de hurler. Ambiance étrange où les centres redevenus piétonniers attirent les badauds. On vient observer l’avancement de la crue, qui monte peu à peu le long de l’échelle de crue.

Quelques jours de précipitations abondantes et les rivières sont hors contrôle: on s’étonne et en même temps c’est bien la nature qui reprend ses droits, d’autant plus que les mairies bien souvent ont démissionné devant la gestion de leur patrimoine hydraulique. Il serait temps que les édiles reprennent en main cette gestion et la pensent en fonction du développement durable.

La Tarasque d'après une gravure ancienne
La Tarasque d’après une gravure ancienne

Par le passé, des processus collectifs de mémoire fonctionnaient par l’entremise de créatures fantastiques qui personnifiaient les crues. Les processions des saints protecteurs des crues passaient par les zones inondables et remémoraient ainsi à tous les dangers de certaines zones. Aujourd’hui, ces mémoires vernaculaires ont été remplacées par des savoirs techniciens parfois très sophistiqués, mais qui ne parviennent pas totalement à remplacer ces mémoires des risques telles que développées par les sociétés préindustrielles. Ces tarasques, vouivres et autres dragons d’eau ont été excellemment étudiés par notre collègue Philippe Reyt. Ces processus techniques actuels nous rendent oublieux du danger, car on pense que la technique peut tout résoudre. Mais en fait ce sont aussi les liens de solidarité qui permettent de faire face à l’imprévu. C’est surtout cela, qu’il ne faudrait pas oublier.

En une: le centre de Nemours évacué. Source: Libération


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