Edward Burtynsky, enquêteur des paysages industriels


burtynsky_paysages_manufacturesEdward Burtynsky, photographe canadien, explore depuis des années les « passages manufacturés » ces manufactured landscapes portés au cinéma dans un documentaire du même nom réalisé par Jennifer Baichwal en 2006.

L’esthétique d’Ed Burtynsky est dantesque, au sens fort. Parce qu’elle s’applique à des domaines que l’on associe d’habitude à la laideur, à la corruption, au désastre: champs de derricks pétroliers, rivières polluées par les effluents des mines, déchetteries et carrières… S’agit-il de destruction ou de transformation? Comme le dit Burtynsky lui-même, au lieu de commenter, de dire si c’est bien ou mal, il laisse l’image faire son chemin dans le regard des spectateurs. Comme dans Notre Pain Quotidien, documentaire sorti en 2007 qui procède par plan séquence, les images de Burtynsky parlent par elles-mêmes. Et on se demande, en voyant les paysages ainsi saisis par l’objectif, ce que cela peut bien être, ou encore comment a-t-on pu en arriver là?

Ces images sont belles et terrifiantes en même temps. Elles sont dantesques à la fois pour ce qu’elles représentent, qui est littéralement hors cadre et hors échelle, et aussi sur la manière de les représenter, avec un aspect monumental très marqué. Un côté hiératique qui déstabilise. Elles apparaissent aussi comme une menace, ou une mise en garde.

Comme le veut son auteur, ces images font réfléchir. Elles donnent à voir. Les pays riches ont expulsé hors de leur territoire certaines activités industrielles dangereuses. Mais le danger est devenu planétaire. Ceux qui osent parler de « civilisation post-industrielle » devraient voir les photos d’Ed Burtynsky. Elles sont un démenti total. Nous sommes bel et bien dans un monde modelé par l’industrie de fond en comble, pour le meilleur et surtout, semble-t-il, pour le pire. Pour le pire car ces paysages, s’ils sont rendus beaux par le travail du photographe, n’en sont pas moins empoisonnés, mortels pour certains, violents et désespérés. Ils font apparaître de pauvres hères, habitants déplacés, travailleurs exténués, paysages démantibulés par des activités et des « mises en valeur » qui signent une rapacité de notre époque totalement hors de contrôle, au point que les usagers de ces « paysages » finissent, comme ces ingénieurs du projet du Barrage des Trois Gorges, par avouer qu’ils n’y comprennent plus rien.

D’après un portfolio initialement publié en décembre 2012. 

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