De part et d’autre du Pacifique, les deux premières puissances mondiales viennent de vivre des élections dont les styles sont aux antipodes. D’un côté, une vaste kermesse bruyante et coûteuse aux États-Unis avec un suspens entretenu par les médias jusqu’au dernier moment. D’un autre côté, une pièce de théâtre compassée appelée 18e congrès du Parti communiste chinois pour porter au pouvoir la cinquième génération de dirigeants depuis Mao. D’un côté, une forme de fête (et des larmes pour les perdants), de l’autre une assemblée de 2270 délégués représentant les 82 millions de membres du PCC pour une Chine quatre fois et demi plus peuplée que les États-Unis avalisant une équipe déjà choisie par les hiérarques. Hu Jintao a profité de son discours d’adieu du 8 novembre pour casser l’ambiance en dénonçant la corruption qui ronge le parti.
Obama est très connu en Europe, mais on sait peu que Xi Jinping (习近平) avait un père vice-premier ministre de Mao qui tomba en disgrâce et qu’il vécut la Révolution culturelle dans les campagnes auprès des paysans. Marié en secondes noces à Peng Liyuan, star de la chanson plus connue que lui mais qui arrête sa vie publique en 2008 pour ne pas gêner la carrière politique de son mari, Xi Jinping (prononcer Chi tchin-piong, en laissant à peine traîner le « g ») est apprécié pour sa relative intégrité, sa haine des nouveaux riches (qu’il a pourtant dans sa proche famille possédant selon l’agence Bloomberg près de 300 millions d’euros principalement investis à Hong Kong). Sa fille étudie actuellement à Harvard sous un nom d’emprunt, ce qui fait dire qu’il connaît bien les États-Unis où il s’est déjà rendu six fois. Notamment dans l’Iowa où il remarque les techniques agronomiques et le développement du tourisme.
Sur le plan géopolitique, ce nouveau tandem chinaméricain représente près de la moitié du PIB mondial. Il pèse tellement sur l’économie mondiale que la crise actuelle est née de leurs relations économiques. D’un côté, des excédents commerciaux colossaux et investis en dollars provoquant une baisse des taux d’intérêt qui encourage les Étasuniens à s’endetter. Ce processus s’est mis en place en 1979 à la libéralisation de l’économie chinoise sous Den Xiaoping qui précédait la libéralisation reaganienne de novembre 1980. Une renaissance économique chinoise comparée par l’historien Paul Kennedy à l’ère Meiji japonaise. La Chine a gagné en trente ans douze points du PIB mondial !
Pour François Lenglet (Le Point, n° 2095), les deux larrons chinaméricains ont la solution de la crise : la réévaluation du yuan peut freiner la capacité exportatrice de la Chine et restaurer la compétitivité qui manque aux Occidentaux. « Or, aux yeux des Chinois eux-mêmes, argumente F. Lenglet, le modèle de croissance basé sur l’exportation commence à montrer des signes de faiblesse. Bloquer le yuan à son niveau actuel, c’est maintenir la Chine à l’état de machine à exporter, dans la dépendance économique de marchés occidentaux anémiés, tout en alimentant les déséquilibres financiers qui ont conduit à la crise. C’est se priver des ressorts puissants de la consommation intérieure ».
Menacée à son tour par une crise financière, la Chine peut faire évoluer le modèle que Hu Jintao a porté pendant son mandat. S’ouvrirait alors une longue période de croissance pour des consommateurs qui seraient aussi chinois. Xi Jinping qui a confié adorer les films américains sur la deuxième Guerre mondiale en citant son préféré: Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg, n’est pas si loin de l’Amérique. Le mode de désignation des dirigeants mérite-t-il qu’on les compare ? Qu’on mette en balance richesse et pauvreté à coup de statistiques dans l’un et l’autre pays ? Novembre 2012 a mérité au moins de poser la question.
Pour en savoir plus :
Comment démolir la « grande muraille du web » ? (source : Pierre Tiessen, Challenges, n° 320)
Quelques 550 millions d’internautes, 350 millions d’adeptes de Weibo – le Twitter local… La Chine est de loin le pays le plus connecté du monde, mais aussi le plus surveillé. Quelque 50 000 cyberpoliciers (estimation basse) et des dizaines de milliers de mouchards scrutent, épluchent, censurent en permanence la Toile chinoise. Ils y traquent tout sujet estimé sensible : attaque frontale contre le PCC, défense d’un Tibet libre, contenu pornographique…. La liste est longue. Les nouveaux hôtes de l’Élysée chinois (Zhongnanahai) vont-ils démolir cette « grande muraille du web » ? Il le faut et ce, reconnaît récemment le blogueur Zhao Chu, « pour ouvrir la voie d’une politique démocratique et d’un pouvoir libre ». Pour l’artiste dissident, Ai Weiwei, « la liberté d’expression ne peut être stoppée » ou censurée à l’ère du web 2.0.
Et encore :
Pour une longue et passionnante démonstration sur les élections nord-US : (http://www.youtube.com/watch?v=r2BBsFdfoz4), qui offre une vision diachronique et particulièrement riche de la géographie électorale nord-américaine depuis les premiers scrutins présidentiels de l’histoire du pays.
http://www.espacestemps.net/document9780.html