Cette région de l’Eurasie qui s’est appelée « l’Occident » (en opposition à l’Orient, où le soleil se lève) a été façonnée culturellement par quelques lieux dont un village de Palestine, Bethléem,qui a reçu de l’UNESCO le 29 juin 2012, la reconnaissance de sa basilique comme « patrimoine mondial ». Pour comprendre cette décision déplorée par Israël et les États-Unis voyant dans la démarche palestinienne des motivations plus politiques que culturelles, il faut revenir aux représentations de cet événement.
Ici, est né un enfant, appelé Jésus, probablement quatre ans avant notre ère (Denys le Petit fixa la date de Noël en 756 sur des bases erronées). Les orthodoxes en représentent la scène sur une icône très paisible, harmonieuse, joyeuse. Les astres rayonnent dans les cieux, les rochers s’ouvrent pour accueillir leur Créateur, les animaux sont pacifiés, des bergers partagent leur joie avec des anges, les mages s’approchent vers la Vérité révélée par l’étoile. Tout baigne dans une lumière d’un éclat particulier : « L’Ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté » (Luc 2, 9).
A part le bain de l’enfant à droite, détail très humain sur l’accouchement, l’iconographe raconte une scène dans un espace à plusieurs dimensions : en bas à gauche, Joseph accablé, tenté par le démon du doute, sous l’aspect d’un vieux berger. Un peu plus haut, les trois mages représentent les maîtres de la science antique, enseignés par les astres et, grâce à une étoile, prennent la route à la recherche d’un roi et trouvent un enfant couché sur la paille. Ils offrent de l’or pour le Roi, de l’encens pour Dieu, de la myrrhe pour l’homme mortel. Ils ont trouvé devant cette grotte la Vérité cherchée dans les astres. L’évangéliste Luc situe la naissance hors des lieux d’habitation dans la campagne, le voisinage des bergers. Pas de grotte chez le narrateur, mais une crèche supposant une étable et une grotte car les bergers se servaient de grottes pour parquer leurs troupeaux et s’abriter eux-mêmes. Pas d’âne ni de bœuf dans le texte mais Joseph a un âne pour voyager et la crèche remplie de foin rappelle la présence du bétail.
L’espace est monumentalisé par la silhouette de Marie, l’accouchée qui devient Θεοτόκου, theotokos (mère de Dieu). Elle tourne le dos à l’enfant, regarde Joseph avec compassion. Sa main est dirigée vers l’enfant et posée sur sa poitrine (Luc écrit: « Marie conservait tous ces souvenirs et les méditait dans son cœur » 2, 19). Le centre de la représentation est la grotte vers laquelle tout converge. Une spirale dont le point central serait ce trou d’où luit la Lumière. Adam fut tiré de la terre, le second Adam prend la condition humaine, naît de la terre et y retournera.
Ce lieu situé dans l’actuelle Palestine est aujourd’hui coiffé d’une église érigée au IVe siècle par l’empereur romain Constantin 1er le Grand (et plusieurs fois remaniée). Il est partagé par plusieurs communautés chrétiennes qui l’ont ouverte en mars et avril 2002 lorsque l’armée israélienne pourchassait des militants palestiniens dont deux cents trouvèrent refuge avant d’émigrer à Gaza et en Europe.
Pour la dimension sonore de ce lieu au cours des siècles, sur YouTube
– Puer natus in Bethléem (moines de Silos, Espagne), grégorien
– Herr Christ, der einig Gottes Sohn (J.-S. Bach, XVIIIe s.), Orgelbüchlein BWV 601
– un commentaire d’une icône (russe) de la Nativité par Alain Besançon