Depuis les attentats de septembre 2001, les aéroports sont devenus le miroir de nos angoisses et de nos peurs les plus évidentes. Cela se manifeste essentiellement à l’entrée de la zone internationale, lorsqu’il faut passer les contrôles de sécurité. Même si l’on sait qu’un fanatique peut toujours réussir à passer toutes les barrières à partir du moment où il est déterminé, on veut tout de même nous faire croire que tout est fait pour notre sacro-sainte sécurité. Époque terrifiée par la mort et la souffrance, nous avons imaginé des remparts de haute technicité contre tous les dangers aériens.
Les appareils installés pour contrôler les bagages des voyageurs ont engendré une nouvelle architecture, hérissée de portiques, détecteurs, tapis roulants et autres sas. Et si jamais quelque chose ne tourne pas rond avec un voyageur, inutile de compter sur l’empathie des autres: si votre bagage est suspect, vous êtes, vous aussi, tout de suite suspect. Ce qui veut dire que les réflexes les plus élémentaires d’humanité (aider à se relever quelqu’un qui serait tombé, par exemple) deviennent impossibles: on reste pétrifié à l’idée de s’exposer. Si l’on ajoute à cela les slogans sur la « destruction systématique des bagages abandonnés », les militaires armés jusqu’aux dents et la suspicieuse politesse des agents de sécurité, on peut concevoir que les aéroports soient de moins en moins user friendly…
Mais il nous reste, une fois ces barrières dûment franchies, une consolation pour calmer notre angoisse: les zones internationales vouées aux achats de tous ordres; comme dans les contes de jadis, où le héros devait traverser une pairie pleine de tentations pour atteindre au but, il faut à présent traverser toute une zone commerciale rutilante pour parvenir sain et sauf au salon d’embarquement. Et il n’est pas question de faire autre chose que consommer: si vous êtes un peu trop statique, vous attirez fatalement l’attention de la sécurité. Ces dutyfree zone ne sont « free » que pour les marchandises: pour nous, c’est tout différent, nous sommes comme de petits animaux en cage obligés de manger ce que nos geôliers nous donnent.
Et tout se paye dans ces zones, absolument tout. La gratuité des rapports humains n’est plus qu’un lointain souvenir; l’eau courante dans les toilettes est même réchauffée parfois pour nous obliger à acheter de l’eau en bouteille. Formidable invention!
Pour parodier Éluard, on pourrait écrire « sécurité, j’écris ton nom… » Époque malade de sécurité et vide de toute certitude. Comme si l’on avait troqué l’une pour l’autre. Ce non-lieu par excellence qu’est un aéroport devient donc par la grâce du terrorisme post-guerre froide un haut lieu de notre paranoïa de voyageur. Et s’il vous arrive quoi que ce soit dans cet espace de transition, malheur à vous! Car personne ne viendra vous secourir.